EDUARDO ARROYO
Dans le respect des traditions
Fondation Marguerite et Aimé Maeght
1er juillet – 19 novembre 2017
Du 1er juillet au 19 novembre 2017, Eduardo Arroyo investira les cimaises de la Fondation Maeght. Considéré comme l’un des grands artistes espagnols de sa génération, Eduardo Arroyo dépeint l’humanité à travers des jeux d’images dont l’origine est tant la société que l’Histoire, l’histoire de l’art ou de la littérature.
Il le fait avec une vérité et un humour qui se jouent des scénographies mythologiques ou politiques. Il utilise la narration par fragment, avec goût du paradoxe, et livre une œuvre picturale extrêmement construite et faisant preuve d’une liberté constante.
Également écrivain, Eduardo Arroyo a choisi avec un soin particulier, mariant l’absurde et l’ironie, le titre de l’exposition à la Fondation Maeght, « Dans le respect des traditions ».
La Fondation Maeght propose un parcours thématique d’œuvres réalisées depuis 1964, composé de tableaux célèbres et de peintures inédites dont une série de toiles réalisées spécialement pour cette exposition. Elle présente aussi de nombreux dessins, un ensemble de sculptures, dont des « pierres modelées » et des assemblages, entre fiction et réalité, comme une série de têtes hybrides.
Spectaculaire par sa diversité de matières, par la profusion de personnages, par son éventail de couleurs, l’accrochage met aussi en scène des petits théâtres comme celui autour du tableau l’Agneau Mystique ou celui du Paradis des mouches, royaume des vanités.
« Si l’art est l’un des moyens les plus perspicaces et les plus justes pour comprendre la psychologie humaine, pour mettre en lumière la vérité d’un individu, il peut, également, tenter d’exprimer non plus l’identité d’une personne mais celle d’une « humanité », d’un groupe d’hommes confrontés au temps ou à l’Histoire.
L’art prend, chez Eduardo Arroyo, une dimension de fable politique, philosophique ou sociale, quand il cherche à représenter les jeux, les signes, les langages, les chansons de geste des pouvoirs après lesquels court l’humanité », explique Olivier Kaeppelin.
« Avec Adrien Maeght, nous trouvions qu’il était également intéressant de ne pas oublier les dialogues que ses œuvres entretiennent avec celles de Fernand Léger ou Francis Picabia. »
Rattaché au courant de la Figuration narrative qui se développe en Europe dans le début des années 1960, Eduardo Arroyo, artiste engagé, refuse toute esthétisation complaisante de l’art et des images. Il défend l’exemplarité de l’œuvre.
Il veut que sa peinture soit accessible au plus grand nombre. Ses toiles sont peintes en aplats, mais il emploie aussi fréquemment une composition tributaire du collage. Il exécute également des sculptures pour lesquelles il manie la terre cuite, le fer, la pierre, le plâtre ou le bronze. L’usage du « non sense », de l’illogisme, en fait un héritier direct de Lewis Carroll et de l’humour noir.
Eduardo Arroyo utilise les images produites par nos sociétés. Il s’en est toujours servi pour démontrer l’efficacité de l’art contre les idéologies, notamment lorsqu’il quitte l’Espagne franquiste en 1958 pour s’exiler à Paris.
Il réalise des peintures d’histoire(s), désacralise les personnalités politiques et use, comme il l’entend, des grands héros ou des personnages de pouvoir. Il repeint également l’histoire de l’art ou celle de la pensée.
La Fondation Maeght, après avoir exposé en 2013 La Datcha dont le sujet était les philosophes et la révolution dans la période des années 1960-1970, présente ici l’un de ses grands chefs-d’œuvre intitulé Ronde de nuit aux gourdins où il réinterprète le tableau de Rembrandt.
Eduardo Arroyo utilise également l’imagerie médiatique, la photographie publicitaire, le cinéma américain ou les films noirs. Il joue avec la littérature comme il se joue des catégories, des styles et des techniques et circule dans l’histoire des arts.
Au détour des salles, nous rencontrons Rembrandt, Van Gogh, Ferdinand Hodler ou Antonio Saura, mais aussi Sylvia Beach ou Miguel de Unamuno. Eduardo Arroyo tourne, pique, virevolte, comme le font certains boxeurs qu’il admire, comme Panama Al Brown. En peintre il s’inspire, en quelque sorte, des champions du noble art.
Peindre l’Histoire, l’histoire des hommes, l’histoire de la littérature, l’histoire de la peinture…
« La peinture est en quelque sorte littéraire ; et c’est dans ce sens que je travaille sur des thèmes. Il y a un début, une fin, des personnages, et l’ambiguïté propre aux romans. C’est donc un récit, comme si j’avais écrit une quinzaine de romans… », explique Eduardo Arroyo.
Le langage pictural d’Eduardo Arroyo se construit autour de l’idée d’écriture et d’autobiographie, souvent articulée en séries où rivalisent auto-ironie, tragi-comique et art du pastiche. Fidèle à un art narratif extrêmement libre, il mêle le public et le privé, l’historique et le légendaire.
Chacune de ses œuvres raconte la complexité d’une époque, d’une situation ou d’une femme, d’un homme, qu’il soit peintre, écrivain, éditeur, ramoneur, espion, futur empereur, boxeur, reine d’Angleterre…Ces derniers traversent le temps et l’espace.
Enfant, Eduardo Arroyo apprend à lire les œuvres de Goya, de Vélasquez, Le Greco. Capable de déchiffrer la subtilité narrative des représentations figuratives, il apprécie aussi les significations cachées des tableaux et leur puissance expressive. S’il décide de pratiquer la peinture à l’huile, le collage, le dessin, la sculpture, il n’abandonne pas pour autant sa passion pour les romans et l’écriture.
Dans toute son œuvre, Eduardo Arroyo joue et s’amuse à mixer écrivains, héros ou héroïnes de fiction, leur procurant ainsi une nouvelle identité. Avec malice, il se glisse dans des duos, presque des « oxymores », en pierre, céramique, bois, acier et plomb, aux visages doubles comme ceux de Dante-Cyrano de Bergerac ou encore Tolstoï-Bécassine, mais aussi dans des portraits sculptés de Frida Khalo, Honoré de Balzac, Orson Welles, Géronimo… qui expriment son attachement à ces figures.
Eduardo Arroyo, peintre, dessinateur, sculpteur, cherche un langage approprié à chaque situation. Il porte une attention remarquable au détail et use d’une incroyable habileté technique, d’une fantaisie qui lui est essentielle.
Son éclectisme délibéré le conduit à utiliser tous les matériaux capables de traduire son univers. Il travaille autant le graphisme, l’estampe, la sculpture, que la céramique ou l’assemblage de matériaux variés, pour revenir à l’huile et à la toile avec une énergie toujours renouvelée.
« Je ne suis qu’un peintre qui fait beaucoup de choses, qui se balade de l’écriture à la poésie, de la sculpture à la scénographie, pour arriver à la peinture, et peindre avec plus de force », déclarait Eduardo Arroyo récemment dans un entretien.
« L’art, chez lui, n’est jamais un objet et une image mais toujours un espace et une forme, expression de son alchimie personnelle au milieu de la société et du temps », souligne Olivier Kaeppelin.
« Remarquons que si son œuvre se sert de l’histoire en s’y soustrayant, si elle fuit comme la peste le statut d’objet social échangeable, c’est pour offrir un art qui ne relève que de lui-même, et d’un créateur qui ne dépend que de lui seul.
Qui est cet artiste solitaire en proie à l’Histoire qu’il combat? Sans doute le protagoniste d’un espace scénographique qui se construit par d’étonnantes compositions où le gai savoir, le « non sense » et le paradoxe mènent à une lutte incisive avec la mort.
Celle-ci prend de nombreuses formes, celles des corridas avec chimères « unicornes », toréadors et picadors, celles de matchs de boxe, d’affrontements politiques avec leurs cortèges de pouvoirs et d’agents doubles, leurs jeux toxiques et secrets, leurs masques, leurs mascarades accompagnés des crânes et vanités qui attendent chacun d’entre nous », ajoute-t-il à propos du travail d’Eduardo Arroyo.
Les œuvres d’Eduardo Arroyo manifestent, à des degrés divers, aussi bien la malice, le rire que la critique corrosive. La figure humaine constitue un terrain de prédilection: il sait donner aux portraits des attributs touchants et subtils. Ce témoin privilégié refuse tout dogmatisme et ne se laisse enfermer dans aucune formule.
Informations pratiques
623 chemin des Gardettes
06570 Saint-Paul de Vence, France
Ouvert tous les jours, sans exception:
Octobre-Juin: 10h-18h
Juillet-Septembre: 10h-19h
La billetterie ferme 30 minutes avant l’horaire de fermeture.