Porticus
Artur Lescher au Palais d’Iéna
du 17 au 25 octobre 2017
Première exposition en France de l’artiste brésilien, figure majeure de l’art abstrait en Amérique Latine, conçue en dialogue avec l’architecture d’Auguste Perret.
Commissariat de Matthieu Poirier
CESE, Palais d’Iéna, Paris
Avec le parrainage du ministère de la Culture
Dans le cadre de la FIAC, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui siège au Palais d’Iéna, accueille pour dix jours une exposition de l’artiste brésilien Artur Lescher, qui prend ainsi la suite d’Antony Gormley, Francesco Vezzoli ou encore Carlos Cruz-Diez l’an dernier. Pour le CESE et l’ensemble des organisations qui y siègent, ouvrir ses portes à l’art permet de rappeler combien la culture doit occuper une place privilégiée dans notre société. Montrées pour la première fois en France, les œuvres d’Artur Lescher proviennent de collections privées et publiques brésiliennes ou sont réalisées in-situ pour l’événement. Présentées tout au long des 1.500 m2 du Palais d’Iéna, les sculptures proposent un dialogue inédit avec le classicisme moderne des espaces monumentaux conçus par l’architecte Auguste Perret dans les années 30. L’exposition bénéficie du parrainage du ministère de la Culture et du soutien de la Galeria Nara Roesler.
INFORMATIONS PRATIQUES
Exposition Porticus
Du 17 au 25 octobre 2017
Palais d’Iéna, 9 place d’Iéna, 75016 Paris
Entrée libre tous les jours de 12h00 à 19h00
Galeria Nara Roesler São Paulo | Rio de Janeiro I New York
Lydia de Santis lydia@nararoesler.art
+55 (11) 2039-5452
Après Antony Gormley, Francesco Vezzoli ou encore Carlos Cruz-Diez, c’est à Artur Lescher de déployer ses œuvres au sein de l’architecture du Palais d’Iéna, où siège le CESE.
L’artiste, né en 1962 à Sao Paulo où il vit et travaille, bénéficie d’une reconnaissance considérable outreAtlantique depuis les années 1980, notamment pour son inscription dans la lignée du néo-concrétisme, ce courant majeur de l’art abstrait, nourri par le cognitivisme et la phénoménologie de la perception. Cette exposition propose un regard transversal sur l’œuvre à l’aune de sa résonance avec certaines caractéristiques de l’édifice-clef d’Auguste Perret, inauguré en 1939 et aujourd’hui siège du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
À ce titre, les sculptures et installations présentées, qui proviennent de collections brésiliennes ou qui ont été réalisés spécifiquement, dialoguent avec le classicisme moderne des espaces monumentaux conçus par l’architecte, de la puissante colonnade de la salle hypostyle à l’hémicycle, en passant par l’escalier. Ces volumes, pourtant internes au bâtiment, se révèlent, au gré de l’expérience esthétique des œuvres d’Artur Lescher, comme des lieux intrinsèquement ouverts, articulés et dynamique. Renouant de cette façon avec le modèle initial du portique antique et avec sa dimension démocratique, l’artiste fait s’ouvrir le lieu, symboliquement, vers l’extérieur mais aussi, sur un registre plus intime, vers la mécanique perceptive du spectateur.
Car l’œuvre sculpturale d’Artur Lescher est intrinsèquement liée à l’espace architectural. Elle négocie dans le cas présent avec un édifice à la sobriété certes remarquable, mais qui est tout sauf l’écrin neutre du white cube, la norme de présentation des œuvres adoptée par les musées, galeries et centres d’art. En effet, le style de l’architecte belgo-français s’y caractérise par l’emploi de matériaux bruts – c’est-à-dire non apprêtés ou non peints – tels que le béton armé, teinté dans la masse de différentes nuances de rose. Celui-ci offre aussi à l’œil ou la main de multiples effets de texture, ou encore les différents métaux, qui jouent le rôle de joints, liserés, bordures ou autres rubans. Les œuvres du Brésilien offrent toutes un écho soutenu à ces qualités par leurs formes régulières, leurs surfaces réfléchissantes et leur disposition millimétrique avec divers objets de mesure tels que des règles, des fils à plomb ou des stylets.
Ces éléments jouent un rôle crucial dans l’environnement architectural, qui dépasse celui de l’épure sophistiquée ou du simple ornement : tels des lignes de force, ils structurent, rythment ou modulent en fréquences plus déliées la puissance générale du site, produite par la rigueur géométrique et les encastrements de blocs massifs. Pour le sculpteur, il s’agit d’éveiller les matériaux dans leur rapport à l’espace et, par là-même, d’en révéler les propriétés intrinsèques, d’en déployer le sens. Car si l’artiste récuse dans sa pratique toute volonté de représentation ou de figuration, il conçoit pourtant ses réalisations comme des « capsules chargées d’attributs » – ainsi de celles, nombreuses, constituées de métal, dont les reflets et les ondoiements évoquent des surfaces aquatiques, ou encore de l’accrochage des œuvres, lequel est toujours pensé comme un paysage d’événements, constamment renouvelé par notre déambulation et par la mobilité de notre regard.
Aussi épurées que finement ouvragées, les réalisations d’Artur Lescher ont ainsi pour qualité principale de produire un véritable champ de force, de nature magnétique, pourrait-on dire en regard des métaux employés (cuivre, laiton, etc.), mais aussi et surtout de nature perceptive. En effet, elles visent à connecter et à articuler entre eux les divers espaces et matériaux qui constituent l’édifice-clef de Perret. Si ces qualités formelles les rendent propices à la pure contemplation et font d’elles des objets autonomes, ce sont surtout des dispositifs ouverts, qui modifient ou renouvèlent la lecture de l’architecture. Ils révèlent la polarité de la vision, rendent sensible l’aiguillage de l’œil et du corps, exercé par ces forces invisibles mais efficientes, nées de la tension entre architecture et sculpture, environnement et objet, rappelant incidemment que le Palais d’Iéna fut initialement destiné, en tant que musée des Travaux publics jusqu’en 1955, à la présentation de divers outils, instruments ou machines.
J’ai ainsi souhaité que ce soit le Palais d’Iéna, dont la puissance géométrique fit dire à Emmanuel de Thubert en 1939 que « c’est là que siège la durée », qui accueille l’équilibre mécanique subtil des œuvres de d’Artur Lescher, comme par exemple celle de ses Pendulums. Ceux-ci évoquent ces objets sensés révéler des sources magnétiques ou hypnotiser un sujet, et leur symétrie étirée et leur suspension zénithale ont pour effet de moduler l’espace alentour, d’inscrire leur géométrie dans celle du lieu. Quant à l’escalier monumental de Perret, il se mue sous l’action brancuséenne d’un socle dentelé supportant non pas une sculpture, comme on serait en droit de l’attendre de ce type de dispositif, mais d’autres socles identiques à la taille progressivement réduite. Ce faisant, la sensualité sévère de l’élément de circulation verticale devient l’instrument d’une spéculation sur les variations du point de vue, sur le rapport traditionnel entre socle et œuvre, hauteur et valeur, pouvoir et soumission – ce rapport se trouvant également questionné par l’artiste au sein de l’hémicycle, lui aussi investi par une réalisation spécifique.
Car les œuvres d’Artur Lescher sont constituées essentiellement de bois, de laiton, de textile, de pierre ou de cuivre. Elles sont façonnées – pour ne pas dire « usinées », ce qui mettrait de côté la méthode profondément artisanale de leur auteur, ainsi que leur préciosité patente. Comme étirées en longueur, certaines rappellent, notamment par leur symétrie centrale et leurs fines découpes, les massives colonnes multifacetées de Perret, qu’elles côtoient de diverses manières au sein de l’immense salle hypostyle du Palais – rappelons que lesdites colonnes s’évasent progressivement vers leur sommet selon le modèle, pensé par l’architecte, d’un tronc de palmier. Une sculpture imposante, faite de bois et de feutre gris porte un enjeu similaire. Elle envisage le flux rythmé et continu de l’imprimerie en écho à une onde aquatique ou sonore. Car la sculpture d’Artur Lescher peut se penser comme le vecteur ou le fruit d’une écriture. Mais cette dernière ne vise pas le discours et l’univocité. Elle n’est jamais figée, définitive ou autoritaire. Tout au contraire, elle se montre spatialisée, fluctuante et héraclitéenne : sous les yeux de son observateur, elle se dissipe à mesure qu’elle se formule.
Le langage d’Artur Lescher, fût-il radicalement abstrait, se prête à la résonance sémantique et à l’interprétation. À ce titre, chacune de ses œuvres se révèle porteuse d’une tension symbolique singulière, par exemple lorsque son auteur pointe la proximité formelle de ses formes élancées avec les parties hautes d’édifices religieux ou encore des têtes de missiles. Initialement formé à la philosophie, Lescher nous renvoie tant à la force de l’expérience esthétique qu’à sa fugacité. Il rappelle aussi l’impérieuse nécessité de l’échange et du dialogue au sein de chaque construction, que celle-ci soit d’ordre esthétique, mais aussi religieux, social, économique ou, bien sûr, au sens premier du terme, d’ordre « environnemental », c’est-à- dire appelant une pleine intelligence avec ce qui nous entoure, de près ou de loin.
Matthieu Poirier, commissaire de l’exposition
À propos d’Artur Lescher
Artur Lescher (né à Sao Paulo, au Brésil, en 1962) vit et travaille actuellement à Sao Paulo.
Lescher a étudié la philosophie au PUC-São Paulo en 1983. Ses œuvres s’intéressent aux qualités tangibles des objets et à leur interaction avec l’architecture. Il privilégie les objets en une pièce qu’il suspend et soumet à la gravité, créant ainsi une tension entre les proportions de l’espace et celles de l’objet. Grâce à divers matériaux tels que le métal, la pierre, le bois, le laiton et le cuivre, il évoque des volumes et des formes familières tout en les soustrayant à leur fonction habituelle.
Lescher s’est fait connaître en participant à la 19ème Biennale de Sao Paulo en 1987 lors de laquelle il avait présenté l’œuvre Aerólitos (Aerolites). Celle-ci consistait en deux ballons de 11 mètres de long disposés à l’intérieur d’un pavillon de la biennale et à l’extérieur, ouvrant ainsi un dialogue l’un avec l’autre. En séparant ces ballons par les encadrements de fenêtres et les vitres du bâtiment, Lescher révèle l’espace prétendument neutre de l’édifice.
Tirant souvent son inspiration des architectes modernistes, il réalisa également Indoor Landscape à l’occasion de la 25ème Biennale de Sao Paulo en 2002, une œuvre comprenant deux ensembles de modules de formes régulières disposés au sol, l’un en bois et l’autre en tarpaulin et eau, ouvrant ainsi un espace d’attrition à l’intérieur de l’édifice conçu par Oscar Niemeyer.
À propos de Matthieu Poirier
Matthieu Poirier est historien de l’art et Docteur de l’Université Paris-Sorbonne, où il a enseigné. Il a été Professeur en histoire et théorie des arts en école des Beaux-Arts (Rouen et Angoulême) et pensionnaire du Centre allemand d’histoire de l’art.
Spécialiste de l’art perceptuel, optique et cinétique, il a récemment été le commissaire des expositions « Cruz-Diez. Un être flottant » (Palais d’Iéna, Paris 2016), « Mack. Spectrum, 1950-2016 » (Perrotin, Paris, 2016), « Soto. Une rétrospective » (Musée Soulages, Rodez, 2015), « Kazuko Miyamoto » (Circuit Centre d’art, Lausanne, 2015), « Post-Op. Perceptual gone painterly » et « Soto. Chronochrome » (Perrotin, Paris et New York, 2014 et 2015), « Spectres » (Roesler Hotel, Sao Paulo, 2014), « DYNAMO » (Galeries nationales du Grand Palais) et le Conseiller scientifique de « Lumière et mouvement » (musée d’Art moderne de la Ville de Paris, hors-les-murs), « Eye Attack» (Louisiana Museum) et « Julio Le Parc» (Palais de Tokyo).
Ses écrits ont été publiés par de nombreuses éditeurs et musées (JRP Ringer/Kunstmuseum Lucerne, Musée Nicéphore Niépce/Xavier Barral, Deutscher Kunstverlag, Adam Biro, Dilecta, Diaphanes, Musée national d’art moderne, Centre Pompidou-Metz et Musée de Valence. Il a été responsable de la chronique « Histoire de l’art » du Quotidien de l’art (2012-2013). Il prépare actuellement une rétrospective et une monographie sur Hans Hartung. Il a été commissaire invité de Pro Helvetia et de la Danish Arts Foundation. Il est membre de l’Aica et de l’IKT.
À propos du Conseil Economique Social et Environnemental
Troisième assemblée constitutionnelle de la République après l’Assemblée nationale et le Sénat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) favorise le dialogue entre les différentes composantes de la société civile organisée et qualifiée en assurant l’interface avec les décideur.euse.s politiques. Le CESE est composé de 233 conseiller.ère.s, 60 personnalités associées répartis dans 18 groupes et 12 formations de travail .