ROMAMOR
Anne et Patrick Poirier
Académie de France à Rome – Villa Médicis du 1er mars au 5 mai 2019.
Vernissage 28 février 2019 à 19 heures commissaire Chiara Parisi
Le secrétaire général et directeur par intérim de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, Stéphane Gaillard, est heureux d’accueillir du 1er mars au 5 mai 2019, la première exposition individuelle de Anne et Patrick Poirier en Italie, ROMAMOR.
Sous le commissariat de Chiara Parisi, cette exposition vient achever l’ambitieux programme sous la direction de Muriel Mayette-Hotz – directrice de 2015 à 2018 – qui, dès 2017, a accueilli de grandes artistes telles qu’Annette Messager, Yoko Ono et Claire Tabouret, Elizabeth Peyton et Camille Claudel, Tatiana Trouvé et Katharina Grosse, sans oublier lesnombreux artistes internationaux qui ont participé à l’exposition dans les jardins, Ouvert la Nuit. À ces projets, deux expositions de grande envergure se sont ajoutées, en l’honneur despensionnaires, entre recherche et production, Swimming is Saving et Take Me (I’m yours).
Anne et Patrick Poirier est l’un des couples français les plus célèbres de la scène artistiqueinternationale dont la symbiose créative s’est cristallisée ici même à la Villa Médicis, il y a plus de cinquante ans. C’est l’épreuve du temps, les traces et les cicatrices de son passage, la fragilité de toute construction humaine et la puissance des ruines, antiques ou récentes, qui nourrissent leur création, laquelle prend la forme d’une archéologie habitée par le jeu et par une mélancolie imaginative.
Anne est née en 1941 à Marseille ; Patrick, en 1942, à Nantes. Leur œuvre se distingue par la singularité d’être empreinte de la violence de l’époque qu’ils ont traversée, eux qui, dès leurplus tendre enfance, ont été confrontés à la guerre et ses paysages de dévastation. Anne assiste aux bombardements du port de Marseille quand Patrick perd, en 1943, son père lors de la destruction du centre-ville de Nantes.
Lauréats du Grand Prix de Rome en 1967, après être passés par l’École des Arts Décoratifs de Paris, Anne et Patrick Poirier séjournent à la Villa Médicis de 1968 à 1972 – invités par Balthus.C’est ici qu’ils décident de mener conjointement leur aventure artistique en entamant un travail de collaboration qui les conduit à cosigner leurs œuvres.
Anne et Patrick Poirier appartiennent à ces premières générations d’artistes qui, en voyageantet en s’ouvrant au monde à partir des années soixante-dix, développent une fascination pour les villes et les cités antiques, et plus particulièrement, pour les processus de leur disparition.Dans la lignée de cette sensibilité: cités mystérieuses, reconstitutions archéologiques imaginaires, fascination pour les ruines, questionnement du jardin, union entre œuvresdésormais historiques et productions in situ, sont la source qui donnent vie à l’expositionROMAMOR à la Villa Médicis.
Leur première grande œuvre commune (1969), une maquette en terre cuite de Ostia Antica, née du souvenir de leurs pérégrinations dans l’ancien port de Rome, élue par les artistes champ de fouilles par excellence. Dès cette époque, leurs efforts pour retrouver les traces d’une histoire passée, les conduisent souvent à l’expérience du manque, la destruction desarchitectures, des signes et de l’héritage des civilisations.
« Nous passons ainsi périodiquement de l’ombre à la lumière, du noir au blanc, de l’ordre au chaos, de la ruine à l’utopie, du passé au futur, de l’introspection à la projection. Notre double identité d’architecte-archéologue nous permet cette errance entre ces univers éloignés en apparence, dont il nous faut trouver les liens secrets », disent les artistes.
À la Villa Médicis, l’exposition s’ouvre avec La Palissade/Scavi in corso (2019) qui amène le visiteur vers la Citerne, témoin d’une vision de ruines : Finis Terrae (2019), éclairée par le néonUn monde qui se fait sauter lui-même ne permet plus qu’on lui fasse le portrait (2001).
C’est avec ces premières visions que le visiteur entre dans la première salle, saisi, par laprésence magique d’une sculpture lumineuse, Le monde à l’envers (2019), construite à partir d’un globe terrestre et de constellations, qui s’achève avec un autoportrait des artistes sous forme de Janus, dieu des commencements et des fins, tourné vers l’avenir, regardant le passé.Une œuvre ambivalente, manifeste de l’exposition, qui se lit en contrepoint de la tapisseriePalmyre (2018), œuvre portant sur la destruction du site syrien par Daech en 2015.
En continuant, le visiteur découvre au cœur de la salle suivante L’Incendie de la grandebibliothèque (1976), une œuvre mythique des artistes, en charbon et fusain, métaphore architecturale de la mémoire, du cerveau humain et de son fonctionnement. Entre catastrophe et utopie, entre histoire et mythe fondateur, cette œuvre met le visiteur en présence de ce sentiment de fragilité qui traverse souvent les œuvres de Anne et Patrick Poirier.
Les sites les inspirent. Ouranopolis (1995) – « la ville du ciel » – se laisse découvrir en passant dans la salle suivante.
Anne et Patrick parlent de leur amour pour les bibliothèques, métaphores de la mémoire qui les conduisent à construire des musées-bibliothèques idéaux, ici bâtiment elliptique que l’onimagine capable de s’envoler vers d’autres mondes avec sa moisson de mémoire, au moindresigne de catastrophe.
Cet espace onirique que le visiteur entre-aperçoit par les hublots se déploie dans le grand escalier des anciennes écuries de la Villa Médicis où le visiteur est précipité dans une « irréalité troublante ». Un espace lumineux, Le songe de Jacob (2019), constitué de noms de constellations, échelles phosphorescentes, formes serpentines suspendues, plumes blanches déposées sur l’escalier, accompagnent le visiteur marche après marche, jusqu’à arriver dans l’espace successif, d’une blancheur immaculée pour Rétrovisions, (2018). Autoportrait du couple qui se reflète dans un miroir, entourés d’une utopie décrite en mots-néons qui éclairent l’ensemble, et nous éblouit.
Un peu plus loin, Surprise Party (1996) : une mappemonde dégonflée et délavée sur un antique tourne-disque aux grésillements stridents, lui-même juché sur une valise – autre élément clé du vocabulaire des Poirier – qui évoque une géographie nomade, « un monde qui ne tourne pas rond, une terre qui grince ».
De vertige en vestige, le visiteur se retrouve face à Dépôt de mémoire et d’oubli, (1989) : une croix constituée d’empreintes en papier de masques de dieux antiques.
Au travers de Lost Archetypes (1979), le regard se trouve face à la reconstruction à échelle humaine des grands ouvrages architecturaux : une série de quatre maquettes blanches de lieux de ruines. Entre passé, présent et futur, effondrement, construction et élévation, Anne et Patrick Poirier font vaciller les repères historiques du public romain.
Dans la salle suivante, les collages : dessins végétaux figés dans la cire, Journal d’Ouranopolis(1995), tentative de lutter contre la destruction de la mémoire, l’oubli. Cette sensation de vulnérabilité qui régit le monde, le visiteur le retrouve dans les images de Fragility et Ruins(1996).
L’exposition se déploie également dans les jardins de la Villa Médicis. Sur le piazzale, les artistes dessinent avec des pierres de marbre de Carrare, la forme d’un cerveau humain, Le Labyrinthe du Cerveau (2019), avec ses deux hémisphères. Un « manifeste autobiographique bicéphale », conjonction de leurs esprits, et symbole d’une pratique du couple qui renvoie aux thèmes qu’ils n’ont cessés d’explorer depuis plus de cinquante ans : les mécanismes liés autemps qui passe. Leurs constructions sont de grands cerveaux, des paysages qu’il fautcontourner. Anne et Patrick Poirier aiment à dire : « L’image du cerveau, avec ses deuxhémisphères pourrait bien nous représenter : représenter à la fois l’unité et la diversité denotre symbiose ».
Le visiteur continue sa promenade en imaginant pouvoir prendre une pause dans la monumental chaise en granit, Siège Mesopotamia (2012-15) qui, dans toute sa force, trône dans le jardin.
Plus loin, dans la fontaine de l’Obélisque, le visiteur se penche sur Le Regard des Statues(2019), regards anonymes en plâtre déformés par l’eau dans laquelle ils sont immergés. Œilregardant le ciel, le temps, l’œil de la mémoire et de l’oubli, l’œil de l’histoire et de la violence qui mène à l’Atelier Balthus où est présentée une de leur pièces mythiques, réalisée à la Villa Médicis en 1971 : stèles de papier construites à partir de moulages des Hermès, les étranges figures de marbre rencontrées par les artistes dans les allées de la Villa Médicis,accompagnées de livres-herbiers – « carnets annotés de réflexions personnelles et de dessins » – et de médaillons en porcelaine où sont transposées ces images funéraires.
Le mot qui donne vie à l’exposition, ROMAMOR (2019), apparaît sous une forme lumineuse rouge, sous le portique de l’Atelier Balthus, en hommage à cette ville si importante, pour lesdeux artistes, aussi bien d’un point de vue artistique qu’humain.
Le catalogue trilingue (français, italien, anglais), édité par Electa, a été pensé par les artistes comme un album de souvenirs et de projets, rassemblant des images et des documents, associés aux œuvres de l’exposition.
Cette publication inclus une conversation entre Chiara Parisi et Anne et Patrick Poirier, ainsiqu’un poster conçu par les artistes et spécialement édité à cette occasion.
Horaires d’ouverture de l’exposition : du mardi au dimanche, de 12h à 19 heures (dernière entrée à 18 heures 30).
Billet double pour l’exposition et la visite guidée de la Villa Médicis et de ses jardins : 12 / 6 € (tarifréduit)
Billet pour l’exposition uniquement : 6 €, gratuit pour les moins de 18 ans.
Groupes scolaires : tout participant peut accéder à l’exposition grâce à l’achat d’un billet au coûtsymbolique de 1 €.
Il est nécessaire de réserver les visites pour les groupes scolaires en écrivant au départementd’activités pédagogiques : didattica@villamedici.it
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