VENET FOUNDATION
Venet Foundation, Le Muy, Var 13 juin – 13 septembre 2019
L’exposition estivale 2019 de la Venet Foundation rend hommage à Claude Viallat, l’un des plus grand coloriste de son temps.
Sous le commissariat d’Alexandre Devals, directeur de la fondation, « Claude Viallat – Libérer la couleur » présente une vingtaine d’œuvres de Claude Viallat de grand format réalisées sur bâches militaires, une série entamée à la fin des années 1970 qui se prolonge jusque dans les dernières années. Le cœur de l’exposition se compose des œuvres montrées en 1980 au CAPC de Bordeaux, exposition majeure et pivotale dans l’œuvre de Viallat par l’utilisation d’un support dense, l’exploration de la polychromie et le découpage de la toile en registres. Cette exposition a marqué un tournant dans la pratique de Viallat et le consacre comme l’un des plus grands coloristes de son temps.
RAPPEL DE L’EXPOSITION HISTORIQUE AU CAPC DE BORDEAUX
Pour aborder l’immense espace du CAPC encore brut à la fin des années 1970, son fondateur et directeur de l’époque Jean-Louis Froment demande à Claude Viallat sur quel support il voudrait travailler. Viallat rêve d’une tente de cirque, Froment lui envoie un camion remplit d’épaisses tentes venues d’un surplus de l’armée.
Exorciser la couleur
Face à cette montagne kakie, Viallat décide de se débarrasser de la connotation qu’elle dégage en recouvrant la première tente de blanc, un apprêt sur lequel il applique en séquences verticales sa forme. Dans chaque registre elle se décline dans un sens, dans une couleur, sur un fond monochrome.
Après avoir « lavé » ainsi la toile, l’avoir exorcisée, dépassant la symbolique de la couleur, il lui a fallu se souvenir des dessins du fauve avignonnais Auguste Chabaud réalisés sur des papiers de boucherie verdâtres. C’est en faisant appel à un système de référence différent qu’il accepte le support militaire et l’intègre peu à peu en le gardant en réserve.
La première spécificité de cette exposition c’est son support et ce qu’il implique, un travail en matière, plus dense que les œuvres « historiques » plus volontiers associées à Supports-Surfaces qui flottent sur des toiles légères.
La deuxième spécificité relève du lieu de l’exposition, une grande halle aux balcons à la vue surplombante qui justifie un accrochage selon des dispositifs classiques (au mur), habituels pour l’artiste (toiles suspendues dans l’espace) ou nouveaux (les toiles posées à même le sol visibles des coursives aussi bien que du rez-de-chaussée).
Après l’avant-garde
La troisième tient au moment de l’exposition, 1980, soit presque 15 après l’apparition de la « forme » chez Viallat et pose une question applicable aux autres artistes de la même génération ayant éclos au mitan des années 1960, que se passe-t-il après l’avant garde ? Après ce moment radical de mise à plat qui implique implicitement une vision progressiste de l’histoire. Dans les années 1960 cela s’exprime au travers de l’art minimal, de l’art conceptuel, du land art, de l’arte povera, de la systémisation des happenings ou de la performance, des manifestations de BMPT ou de Supports-Surfaces. « La peinture en question », titre d’une exposition à laquelle Viallat participe en 1969 aux côtés d’Alocco, Dezeuze, Dolla, Pagès et Saytour propose des explorations de la toile et du support, de la composition par son oubli. Or au début des années 1980, dans une période de temps limitée, on observe un fléchissement des principes qui soutiennent la radicalité et l’émergence d’une libération de la couleur et de la matière. Des artistes qui s’étaient tenus à des palettes restreintes abordent la couleur avec une sensualité qui leur est alors peu commune, Sol LeWitt fait évoluer ses walldrawings en des fresques héritières de la Renaissance, Judd développe ses œuvres multicolores, Buren conçoit des dispositifs complexes telles les cabanes, Venet libère son geste avec des sculptures de « Lignes Indéterminées », Stella transforme ses œuvres encore géométriques en explosions colorées se déployant dans l’espace à partir de 1983. Une libération d’autant mieux acceptée que les années 1980 sont celles des nouveaux fauves, des neo-expressionnistes, de la figuration libre, du graffiti, de la trans-avant-garde…
Cette transition avait été justement pressentie par Bernard Ceysson qui, à la fin de l’année 1980 conçoit au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne l’exposition « Après le classicisme » à laquelle participe Viallat.
Pour Viallat, il faut « des déplacements minimes pour un bouleversement du travail », tout comme le sait l’éthologue qui observe « par le simple changement d’attitude de l’observateur, l’être observé change de forme ». Mais force est de constater que le changement opéré par Viallat en 1980 (en réalité autour de 1978, date des premières œuvres exposées au CAPC) offre un peu plus que des déplacements minimes avec la parcellisation de la toile, l’emploi d’une matière plus dense, des points de vue multipliés qui habitent l’espace comme des interférences. Comme le note Jacques Beauffet (ancien conservateur du Musée d’art moderne de Saint-Étienne) « on peut se demander si ce ne sont pas de tels appels au « grand art », à la « grande culture » qui seraient aujourd’hui porteurs des valeurs réellement subversives ».
Cette transition se révèle rétrospectivement essentielle dans la construction de l’œuvre d’un des plus grands coloristes actuels.
Elle est également l’occasion de mettre à l’honneur Bernard Ceysson, historien, directeur de musées, aujourd’hui galeriste, compagnon de route de Viallat depuis de nombreuses années et qui est cet été l’invité d’honneur de la fondation.
Alexandre Devals Directeur de la fondation
LA VENET FOUNDATION
Créée en 2014, la Venet Foundation est un lieu exceptionnel de plus de 5 hectares au cœur de la Provence, dans le village du Muy, qui offre à ses visiteurs un parcours inédit à travers une « œuvre d’art totale » conçue par l’artiste Bernar Venet comme un écrin unique pour ses œuvres et celles des artistes qu’il aime et admire. La Fondation abrite la collection d’art conceptuel et minimal de Bernar Venet, certainement la plus importante au monde. Le parc de sculptures présente des œuvres monumentales d’artistes majeurs comme la Chapelle Stella créée in situ par Frank Stella (2014), le skyspace Ellitptic Ecliptic de James Turrell (installé en 2016), Fourth Piece of Nine de Carl Andre, Déchainés d’Arman, le premier Open Cube de Sol LeWitt, Lamentable de François Morellet, … Le parc accueille par ailleurs plusieurs sculptures monumentales de Bernar Venet, dont le grand Versailles Effondrement 85.8° Arc x 16 qui était exposé à Versailles en 2011.
Le parcours est complété chaque année par une exposition estivale dédiée à un artiste et présentée dans la Galerie et par une exposition d’œuvres de Bernar Venet dans l’Usine.
Infos pratiques
La Venet Foundation est ouverte au public du 13 juin au 13 septembre 2019, les jeudis après-midi et vendredis, sur réservation uniquement. Inscription obligatoire sur www.venetfoundation.org
Tarifs : Adulte 15 € / Etudiant 8 € / Gratuit pour les moins de 18 ans
Venet Foundation, Chemin du Moulin des Serres 83490 Le Muy