Que faire quand nous sommes face à un artiste qui se joue de nos idées reçues et de nos habitudes de jugement, sinon suspendre et ces idées et ces jugements puisqu’ils se révèlent à chaque fois désespérément obsolètes ?
Singulier, l’art de Abdelmalek Berhiss est tout entier nimbé de promesses. Il ne se réfère à rien autour de nous. Jouant avec une aisance désarçonnante avec la matière – toile, bois, céramique, métal – et les formes – de la surface plane aux jarres en passant par la bouteille de gaz – il s’offre à nous en toute simplicité devant nos airs hébétés, aube esquissée au loin, sorte de terre promise, comme sur le front d’un songe.
L’espace est recouvert de points ou de lignes répétés inlassablement, faisant surgir une poésie très subtile et un monde imaginaire qui n’a ni haut, ni bas, ni gauche ni droite. Le bestiaire fantasmagorique, les personnages zoomorphes ou les vagues végétales qui habitent l’e- sprit de l’artiste et peuplent ses tableaux semblent y danser en liberté, mais dans une maîtrise par- faite qui harmonise ce monde irréel. La puissance imaginale est hors du commun.
Les œuvres sont incroyablement maîtrisées. Malgré leur spontanéisme apparent, chacune est un nouage complexe fait de compositions délicates et élégamment construites, de poésie et de rigueur, de candeur et de lucidité, de tons tendres et de courbes douces. La façon de peindre subjugue et nous attire sans qu’il soit possible de résister quelque instant. Il est difficile d’envisager que l’homme soit un pur autodidacte, ancien paysan qui n’ait jamais été à l’école. Ce n’était pas un hasard si, avant d’être protégé dans la résidence d’artistes d’Ifrity, près d’Essaouïra (Maroc), les pièces du peintre et plasticien s’arrachaient auprès des amateurs français ou suisses dès qu’ils avaient la chance de croiser une de ses expositions. “C’est un des artistes marocains contemporains les plus prometteurs” l’affirme sans la moindre hésitation Mostapha Romli, son directeur, qui a reçu déjà reçu près de 400 artistes du monde entier et reçoit régulièrement les grands musées internationaux.
Abdelmalek Berhiss – qui vient d’être invité à la deuxième Biennale de Casablanca (Maroc) du 3 au 12 octobre 2014 – présentera plus d’une quinzaine de pièces : tableaux, céramiques, sculpture. La galerie 5 Contemporary, désormais devenue incontournable, nous fait un immense cadeau, après son exposition de l’artiste exceptionnelle Françoise Schein. Un vrai coup de cœur.