ARCHITECTURES SONORES : Claude Alma, Benjamin L.Aman, Henri Dutilleux, Eddie Ladoire et Cécile le Talec. DU 19 MAI AU 11 NOVEMBRE 2018
Commissariat de l’exposition : Anne-Laure Chamboissier
Dans le cadre du parcours d’Art Contemporain en Touraine ACT(e)s, la Forteresse royale de Chinon accueille l’exposition « Architectures Sonores » à partir du 19 mai 2018. Plongez en immersion dans un univers onirique en lien avec le monument, les collections et le paysage à travers des œuvres sonores immersives de Claude Alma, Henri Dutilleux, Eddie Ladoire, Benjamin L. Aman et Cécile le Talec.
D’où proviennent les sons ? S’agit-il de sons diffusés ? De sons naturels ? Ces œuvres en écho se déploient, interagissent et se fondent dans les différents espaces: tours, Logis Royaux, comme une large partition sonore aux fragments multiples. Ces bribes de réalités, intrinsèques à chacune de leurs pièces et aptes à créer des images mentales, deviennent des formes de récits à construire par l’écoutant lui-même. Des récits qui oscillent entre la forme documentaire et/ou la pièce musicale.
La frontière entre le réel et l’imaginaire est alors ténue, l’un constitue la matière de l’autre. L’architecture, l’acoustique, la proportion des espaces, le contexte historique sont autant d’éléments qui entrent en résonance avec les oeuvres choisies pour cette exposition. Par cette déambulation dans le lieu, le spectateur est alors confronté à ses propres habitudes perspectives pour ouvrir le champ à de nouveaux espaces cognitifs et sensoriels.
LOGIS ROYAUX / Cécile Le Talec PANORAMIQUE POLYPHONIQUE (2011) .
Grand Prix 2011 de l’appel à projet de la Cité Internationale de la Tapisserie et de l’art tissé d’Aubusson, réalisé par l’atelier A2 de la Cité.
Cette œuvre est une architecture sonore dont les parois tissées interprètent le dessin d’un paysage noir et blanc. Cécile Le Talec invite les visiteurs à pénétrer dans un salon de musique circulaire tissé. La tapisserie est à la fois l’espace et le symbole : les fils sont rentrés afin d’offrir une image visible au recto et au verso, les fils de chaîne sont dissimulés, telles les cordes vocales, jamais visibles mais toujours perceptibles.
Le paysage panoramique qui se dessine traduit la musique en image à partir des spectrogrammes d’une composition sonore mêlant des chants d’oiseaux des jardins et le langage sifflé de l’Île de la Gomera (inscrit au Patrimoine Mondial Immatériel de l’Humanité). Cette œuvre propose au spectateur de faire l’expérience d’une immersion visuelle et sonore, à l’intérieur d’une architecture qui évoque les tapisseries dont les paysages sont peuplés depuis le XVIe siècle par l’inaudible présence des oiseaux.
Cécile Le Talec est née en 1962 à Paris. Elle vit et travaille en région Centre et à Paris. Elle travaille depuis de nombreuses années autour de questions qui interrogent le rapport qu’entretiennent la parole, la musique, le paysage et l’écriture. Elle produit des œuvres qui se nourrissent des bruits, des sons et des paroles qu’elle expose sous la forme d’environnements sonores, de sculptures, d’installations, de films vidéo, de photographies et de dessins/partitions.
Depuis 2001, elle mène une recherche sur les langues sifflées, langues bourdonnées, tambourinées, les instruments parlants et langues miroirs, utilisées par quelques communautés dans le monde.
TOUR DES CHIENS / Claude Alma « PASSE MURAILLE » (2018)
Production : Conseil départemental d’Indre-et- Loire. à St-Pierre-des-Corps
« Trouver la brèche / Rompre la carapace/ Causer la ruine/ Franchir la barricade/ Nous y voici/
Dehors Dedans. Qu’importe. Vainqueurs. » Claude Alma invite le visiteur à traverser un mur d’enceinte(s), à user de ses failles, de ses interstices : les meurtrières deviennent porte-voix. Traverser, jusqu’à ce qu’intérieur et extérieur se confondent, tel Dutilleul, le héros de Marcel Aymé. Se laisser traverser, aussi, de toutes parts, par les flux de sons. Comme les particules cosmiques qui pénètrent la matière quelle qu’en soit l’épaisseur et dont Claude Alma, en collaboration avec l’as-
trophysicien Philippe Zarka, nous livre ici la transcription sonore. Passeurs de muraille, les êtres et les ondes. Mais alors pourquoi ces murs, que l’on érige, ici ou ailleurs, pour les autres ou pour soi-même ? Ne barrent-ils pas vainement nos devenirs ?
L’axe originel de la recherche de Claude Alma réside en la création de conditions d’écoute singulières, en lien avec l’architecture. Son travail s’articule également autour de la cosmophonie, soit la mise à contribution des éléments de l’univers et du vivant, dans des créations sonores qui s’apparentent à des compositions électroacoustiques. Il privilégie la dimension vibratoire du son pour révéler l’imperceptible, voire l’inaudible ou l’invisible, comme des ondes neuronales, des vibrations stellaires ou des ondes radio.
LA TOUR DE L’HORLOGE / Benjamin L. Aman REDSHIFT (décalage vers le rouge) (2017).
5 pièces sonores au casque. Collection Frac Occitanie-Montpellier Redshift est une expérience de déplacement à l’intérieur d’un espace sonore. Une expérience de dissociation des sens et de déambulation voilée. Le visiteur est invité à écouter une pièce sonore diffusée par un casque nomade et à continuer son déplacement dans l’espace.
Mêlant à la fois des compositions électroniques et concrètes, la pièce offre un continuum immersif visant à distancer l’auditeur de la réalité qu’il perçoit et à explorer les zones de flottement reliant les sens entre eux. À sa manière, Redshift poursuit l’expérience poétique de la Fabrique, ces stations architecturale et poétiques que l’on trouve notamment au XVIIIe siècle dans les jardins anglais – espaces ouverts à l’introspection et à la méditation de l’esprit glissant sur le paysage.
LA TOUR D’ARGENTON / Benjamin L. Aman LA FORTERESSE ET LE FLEUVE (2015) .
Installation sonore en quadriphonie, 50 mn Courtesy de l’artiste
La forteresse et le fleuve s’inscrit dans une recherche initiée en 2014, liée à la cosmologie, à Giordano Bruno, et plus particulièrement au Temps imaginaire, un concept étudié par Stephen Hawking dans les années 80, qui propose un modèle temporel non linéaire et une exploration du temps. Le Temps imaginaire est un temps où présent, passé et futur s’équilibrent et où les lois de la physique s’unifient soudainement et universellement.
Souvent illustré par la figure du sablier couché, on pourrait le considérer comme un temps ouvert à l’expérience, affranchi de toute direction, et surtout d’une linéarité qui attache tous ses objets. Il est question dans cette recherche d’explorer l’épaisseur et la profondeur du temps et sa force de soulèvement, son pouvoir de faire perdurer les choses plutôt que de les effacer.
Benjamin L. Aman est né à Rouen en 1981, il est diplômé de l’École nationale supérieure d’art de Nancy.
Ses dessins, ses installations et sa musique témoignent d’une expérience à la fois physique, intime et émotionnelle de l’espace. Il ne s’attache pas seulement à composer des objets distincts, mais donne une présence à l’intervalle qui en sépare le spectateur, ou bien il fait en quelque sorte vibrer l’étendue indéfinie qui les entoure.
TOUR DE BOISSY / Henri Dutilleux « LE MYSTERE DE L’INSTANT » (1986 – 1989)
Henri Dutilleux a conçu sa partition le mystère de l’instant comme une succession « d’instantanés», ainsi que l’indiquait le titre originairement envisagé pour illustrer son propos. Il s’agit d’une dizaine de séquences de proportions très variables, fixant chacune un aspect particulier, volontairement « typé» de la matière sonore, la structure de l’ensemble ne répondant à aucun canevas préétabli.
Les idées sont énoncées comme elles se présentent, sans allusion à ce qui précède ou ce qui va suivre. En s’éloignant quelque peu des schémas d’œuvres antérieures (telles que Métaboles, Tout un Monde lointain, L’Arbre des songes ou le quatuor Ainsi la Nuit), l’auteur s’est proposé de saisir l’instant et d’organiser le temps musical différemment.
Le mot «mystère » doit être compris dans le sens le plus large, sans exclure pour autant sa résonance d’ordre spirituel. Comme l’a déclaré parfois Henri Dutilleux, l’acte d’écrire de la musique s’apparente en effet pour lui à une cérémonie, « avec sa part de mystère et de magie ». Par quel secret, dans le processus créateur, une idée parvient elle à se fixer jusqu’à l’évidence, plutôt quetelle autre ? Cette œuvre choisie fait écho à l’exposition piano, piano.
Henri Dutilleux (1916-2013) est un compositeur qui travaille longuement à chacune de ses œuvres. Son catalogue est assez restreint mais chacune de ses partitions témoigne d’une grande inspiration. Exigent et perfectionniste, il n’hésite pas à détruire toute page qu’il n’estime pas suffisamment aboutie. Dutilleux s’inspire des différents courants qui se côtoient au XXe siècle, mais évite surtout de se fondre dans un langage institutionnalisé.
Sa fascination pour le son en tant que matière le fait longtemps privilégier l’écriture pour orchestre symphonique. C’est en 1981 qu’Henri Dutilleux a acquis avec son épouse Geneviève Joy, une maison de vacances à Candes saint Martin. La chambre dans laquelle il a souvent composé dominait le confluent de la Vienne et de la Loire. De nombreux éléments de ce lieu unique ont été source d’inspiration pour lui : l’agencement des toits d’ardoise, la splendeur de la collégiale, la poésie des bancs de sable et des rives herbeuses, les jeux infinis des eaux et des cieux, et par-dessus tout le vol et le chant des oiseaux de la rivière.
TOUR DU MOULIN / BANCS EXTERIEURS / Eddie Ladoire « INTIMITE # 8 » Pièce sonore pour haut-parleur, 20 mns .
Production : Conseil départemental d’Indre-et- Loire
Les lieux d’architecture sont souvent considérés comme les réceptacles muets des sons. Or, le choix des matériaux ou des volumes agit comme transformateur, créant des effets de circulation du son (écho, rotation, etc), tantôt amplificateur, amortisseur, ou filtre. Un lieu, associé à un usage donné, génère un type d’environnement sonore particulier, des nuisances plus ou moins supportables (résonances, ventilations, isolation par rapport à l’extérieur). Ce sont ces propriétés et ces différentes matières sonores que L’artiste a choisi d’utiliser pour concevoir Intimité #8 pour le site de la forteresse de Chinon.
La pièce sonore mêlera alors le temps figé par l’enregistrement, le temps présent de l’auditeur et une composition électroacoustique faite de micro-fictions, de bribes d’intimités, de discussions, de sons du quotidien de la forteresse. Ayant suivi un double parcours aux arts appliqués et en musique électroacoustique au Conservatoire de
Bordeaux, Eddie Ladoire (1975) est à la fois plasticien et compositeur.
Cet artiste-activiste réalise des pro-jets d’expositions où le rapport à l’intime est omniprésent, ainsi que des productions sonores où il nous invite à repenser nos rapports au son, à l’écoute, à l’espace. Auteur de pièces radiophoniques et de cartes postales sonores, il a exposé dans de nombreux centres d’art ou manifestations d’art contemporain en France et à l’étranger.
Il réalise des créations sonores pour des scénographies d’exposition, compose des bandes son pour le cinéma, des vidéos ou des documentaires et développe aussi des projets numériques (applications «Listeners » pour des parcours sonores géolocalisés, et « Audio Room L’appli», outil pédagogique de création sonore).
INFORMATIONS PRATIQUES
Commissaire d’exposition: Anne Laure Chamboissier
alc@champrojects.com 06 01 34 79 09
Ouvert tous les jours, du 2 mai au 31 août : de 9h30 à 19h. Septembre/ octobre : jusqu’à 18h. Novembre : jusqu’à 17h.
Cette exposition a été conçue dans le cadre du parcours Act(e)s dont fait partie également en écho l’exposition piano piano à Chinon, commissariat d’exposition Cindy Daguenet , à laGalerie Contemporaine de l’Hôtel de Ville et au Musée du Carroi.
Cette exposition sera intégrée à la semaine de l’architecture du 15 au 21 octobre 2018, organisée
par le CAUE 37
www.forteressechinon.fr / 02 47 93 13 45