« L’ATLANTIQUE NOIR » DE NANCY CUNARD
Negro Anthology (1931-1934)
04/03/14 – 18/05/14
Mezzanine Est du musée Branly
Commissaire : Sarah Frioux-Salgas, responsable des archives et de la documentation des collections à la médiathèque du musée du quai Branly.
Icône anticonformiste des années 1920 et 1930, poète, éditrice, collectionneuse, militante, journaliste, mais aussi modèle de Man Ray et muse d’Aragon, l’anglaise Nancy Cunard symbolise une période où l’avant-garde artistique et littéraire s’imbriquait avec le monde politique.
Engagée contre le colonialisme et le racisme aux côtés des surréalistes, elle fédère ses réseaux intellectuels et politiques, français et anglo-saxons autour de la publication désormais mythique Negro Anthology.
À travers des documents d’époque et des photos de Man Ray, Raoul Ubac, Cecil Beaton, Curtis Moffat, l’exposition « L’ATLANTIQUE NOIR » DE NANCY CUNARD évoque la vie engagée de Nancy Cunard mais aussi l’histoire intellectuelle, politique, sociale et artistique de la diaspora noire dans les années 1930 , qui constituait la formation politique et culturelle transnationale que le sociologue anglais Paul Gilroy a pu nommer « l’Atlantique noir ».
* NANCY CUNARD, UNE FEMME EPOQUE
Née le 10 mars 1896, héritière de la compagnie de paquebots transatlantiques de la Cunard Line, Nancy Cunard incarne comme nulle autre le foisonnement artistique, littéraire et politique des années de la première moitié du 20e siècle.
En arrivant à Paris dans les années 20, elle fréquente les avant-gardes tout en continuant à participer à la vie intellectuelle londonienne. Elle côtoie Tristan Tzara, les surréalistes René Crevel, George Sadoul et Louis Aragon, qui fut son compagnon mais aussi le décorateur Jean Michel Franck à qui elle confie la décoration de son appartement.
Elle écrit de la poésie, collectionne l’art africain et océanien, les artistes contemporains et passe ses nuits à écouter du jazz au Boeuf sur le Toit.
Cheveux coupés à la garçonne, provocante, arborant à ses poignés les bracelets en ivoire qu’elle collectionne, Nancy Cunard fascine son époque. Elle devient héroïne de roman et modèle des grands photographes de son temps dont Man Ray, Cecil Beaton, Barbara Ker- Seymer, Curtis Moffat.
En 1928, elle fonde à Paris sa maison d’édition The Hours Press. Elle y publie de nombreux auteurs anglosaxons et notamment un volume des Cantos d’Ezra Pound et le premier recueil de poésie de Samuel Beckett, faisant appel pour les couvertures aux artistes Len Lye, Wyndham Lewis, Man Ray ou Yves Tanguy.
Parallèlement à cette aventure éditoriale, sa rencontre, en 1928, avec le jazzman africain-américain Henry Crowder marque une nouvelle étape dans sa vie intellectuelle et politique. En 1931, elle se lance dans un projet éditorial phénoménal, la publication de l’ouvrage Negro Anthology qui parait le 15 février 1934.
Suivront ensuite plusieurs projets éditoriaux emblématiques de ses engagements personnels : Les poètes du Monde défendent le peuple espagnol (1937), séries de poèmes qu’elle édite avec Pablo Neruda, Le devoir de l’homme blanc (1942), un pamphlet sous forme d’entretiens entre elle et le militant panafricain Georges Padmore, qui dénonce violemment la colonisation, puis, en 1944, Poems for France, anthologie de poèmes d’auteurs anglais pour soutenir le combat de la résistance française.
Suite au saccage de sa maison normande pendant la guerre et à la destruction d’une grande partie de sa bibliothèque et de sa collection, elle s’installe en Dordogne où elle continue à soutenir les Espagnols républicains et commence, en 1956, un ouvrage sur les ivoires africains.
Nancy Cunard meurt le 16 mars 1965.
* COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION NEGRO ANTHOLOGY*
Sarah Frioux-Salgas a suivi des études d’Histoire Africaine à Paris 1 (recherches sur la traite négrière et l’esclavage dans les Caraïbes). Elle a été assistante d’exposition au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Marc Chagall : Hadassah, 2002 ; Tim : être de son temps,2003).
Depuis 2003, elle est responsable des archives et de la documentation des collections à la médiathèque du musée du quai Branly. Elle a collaboré avec Edouard Glissant en mai 2007 pour la journée de « la mémoire des esclavages et de leurs abolitions », et contribué au catalogue de l’exposition Les étrangers au temps de l’exposition coloniale (Centre National de l’Histoire de l’Immigration, 2008). Elle a été commissaire de l’exposition Présence Africaine, une tribune, un mouvement, un réseau, présentée au musée du quai Branly de novembre 2009 à janvier 2010 puis à Dakar du 11 mars au 26 juin 2011.
Depuis 2011, elle collabore régulièrement avec la chorégraphe Latifa Laâbissi.
INFORMATIONS PRATIQUES : www.quaibranly.fr
* Un hors-série GRADHIVA sera publié pour l’exposition.
Publiée en 1934, la Negro Anthology est une publication très illustrée de 855 pages, semblable à une grande enquête documentaire, qui mêle culture populaire, sociologie, politique, histoire, histoire de l’art et rassemble des articles, des archives, des photographies, des extraits de presse, des partitions musicales, des témoignages.
Les contributeurs sont militants, journalistes, artistes, universitaires, africains-américains, antillais, africains, malgaches, latino-américains, américains, européens, femmes et hommes. Certains d’entre eux sont colonisés, discriminés ou ségrégués.
Elle réunit notamment des textes de surréalistes français traduits par Samuel Beckett, de jeunes indépendantistes africains (Jomo Kenyatta et Nnamdi Azikiwe), d’écrivains d’avant-garde anglo-saxons (Ezra Pound et Williams Carlos Williams), de militants africains américains (W.E.B Dubois) et d’écrivains et poètes noirs américains (Langston Hughes et Zora Neale Hurston).