«L’époque, les humeurs, les valeurs, l’attention»
Du mercredi 10 septembre 2014 au vendredi 31 octobre 2014
Une proposition de castillo/corrales.
Artistes : Marie Angeletti, Camille Blatrix, Jean-Alain Corre, Audrey Cottin, Hendrik Hegray et Mélanie Matranga
« Un communiqué de presse tend souvent la mauvaise main au visiteur. En situant d’emblée l’exposition dans un paysage artificiel de références, de concepts ou d’analyses, il prend maladroitement ses distances avec elle. Il euphémise la plupart du temps les conditions de son élaboration et neutralise les discussions et les questionnements qui ont accompagné sa conception, pour donner à bon compte l’image trompeuse de l’évidence.
Rien ne va pourtant de soi dans cette exposition en particulier, les attendus du prix de la Fondation d’entreprise Ricard pouvant sembler surdéterminer le choix des artistes qui y participent, ainsi que leur perception. Ce qui importe alors, c’est de mettre l’exposition en mouvement, en la pensant comme une enquête sur le présent. Cela consiste d’abord à articuler entre elles des positions, des esthétiques, des aspirations individuelles, et d’identifier certaines sensibilités, au moins temporairement communes ; celles d’une génération, ou, disons, d’une époque. Mais mieux vaut ne pas chercher à être là où nous ne sommes pas encore, à prendre tout le monde (à commencer par nous-mêmes) de vitesse. Cette exposition est, à l’heure où nous écrivons ces lignes, un échafaudage d’intentions instables, vivantes et anxieuses, élaborées collectivement, un dialogue circonstanciel entre un groupe polymorphe de curateurs dont l’activité à Paris s’est constituée autour de l’espace d’exposition castillo/corrales, et six artistes à peine trentenaires intrigués par la situation : Marie Angeletti, Camille Blatrix, Jean-Alain Corre, Audrey Cottin, Hendrik Hegray et Mélanie Matranga.
Choisir un titre pour l’exposition qui en rappelle un autre, baudelairien, « L’époque, la mode, la morale, la passion », est une façon de penser à voix haute. Sans doute ces notions continuent-elles de jouer à plein dans l’appréciation des œuvres d’un artiste. Mais la mode, la morale, la passion s’affirment sur le mode du décret, et traduisent sans doute moins bien aujourd’hui la sensibilité qui caractérise notre rapport aux choses. Dans cette époque, tout semble se mouvoir à chaque instant, au fil du temps, un temps changeant, influant sur les comportements de manière à la fois passagère et profonde. Cela ne revient pas à dire que la « génération » qui incarne cette sensibilité soit dénuée de valeurs plus durables, résistantes, que le régime volatil des humeurs auquel on veut souvent la réduire. Prétendument en défaut de concentration, elle sait pourtant que l’attention, justement, est la seule force dont elle dispose pour contrer les tensions qui l’affectent. Rien n’est simple ; mais ces artistes avancent, dans l’entre-deux du sentiment d’impuissance et de l’hyper-lucidité. »
castillo/corrales, juillet 2014.