Expositions à la galerie Françoise Besson
15 décembre 2017 – 24 février 2018
Basculements Clément Montolio
Basculements est le titre de la sixième exposition personnelle de Clément Montolio à la galerie Françoise BESSON du 15 décembre 2017 au 24 février 2018, en résonance avec la 14ème biennale d’art contemporain « Mondes Flottants ». «
A l’origine, les montagnes avaient de grandes ailes. Elles volaient dans le ciel et s’arrêtaient sur la terre, suivant leur plaisir. Alors la terre tremblait et vacillait. Indra coupa les ailes des montagnes. Il fixa les montagnes sur la terre pour la rendre stable. Les ailes devinrent des nuages. Depuis lors, les nuages s’amassent autour des cimes. » (La ruine de KASCH de Roberto CALASSO)
En présence du mystère de la nature, l’homme prédisposé redécouvre le sentiment du sacré et peut ainsi s’y relier dans » un basculement », une interrogation du monde qui la contient tout en la dépassant ; une sorte de rite de passage, de renaissance et de renouvellement.
Peindre après le désastre
L’art de Clément Montolio oscille entre le désir d’unir, de mixer les images, et de constater la fragmentation du monde et la chute de ses éléments. Ses montagnes, ses bulbes, ses rochers qui flottent et qui sonnent, paraissent communiquer avec nous qui regardons, nous plongeant dans une sorte de méditation.
Il est alors moins question du monde extérieur que de la condition de l’homme dans le temps, marqué par l’oubli, la perte, la mort mais aussi la vie et l’incarnation. La peinture peut-elle questionner le présent, le relier au passé et à l’avenir, touchant ainsi à l’universel ?
Car peindre, est-ce aussi reposer la question du vivant et du sacré ? La notion du temps n’illustret-elle pas le combat sans cesse recommencé de l’homme et de la vie contre un temps qui use et dégrade ? Si l’on ne gagne pas contre le temps, on peut par la peinture en faire le moyen d’une construction de l’être.
En 2014, Anne-Sophie Coppin écrivait : « Les paysages de Clément Montolio sont la retranscription des visions mentales de l’artiste qui nous sont offertes comme un paysage vu par une fenêtre, une fenêtre entr’ouverte sur l’univers, sur l’histoire… l’âme véritable de l’œuvre de Clément Montolio, son essence même n »est pas créée par la théorie mais insufflée par chacun d’entre nous, par cette intuition immédiate à laquelle nous nous laissons aller dès le premier regard, puis la vibration intériorisée qui nous ouvrira le chemin ».
Ce basculement intérieur nous invite à contempler un entre ciel et terre où le rapport conventionnel au temps est mis en doute : la roche la plus dure, une matière morte et inanimée ? Derrière l’apparente stabilité, tout est mouvement : sols qui s’effondrent et se fondent, se disjoignent, s’entrechoquent ; frottement perpétuel des plaques qui créent les montagnes, lesquelles retombent en constantes chutes de pierres. Loin d’être paysage immuable, inerte et figé, les montagnes manifestent leurs existences et expriment le temps sous une multitude de formes et de mouvements. Les composants s’élèvent et retombent, ils volent, chutent et flottent, au point d’illustrer un désordre. L’immobilité est une illusion, le mouvement est une constante, doublé d’une certitude.
Le retour de Clément Montolio au médium huile peut être qualifié de résurgence. L’ensemble des allers et des retours de l’artiste, essentiels à toute œuvre, coexistent et justifient un précédent travail qui s’accorde au présent réincarné. Tout comme l’idée d’un temps antérieur à l’histoire où le paysage se découvre en un avènement, l’architecture de la montagne est une métaphore de sa propre projection et de l’ouverture à l’autre. Devant des étendues d’eau, des cimes, des versants, s’interposent des tiges et des bulbes, des fleurs coupées ou simplement des taches qui au, oeuvrestorisent, bien qu’elles puissent être synonymes de représentations fragmentées, le passage vers une projection exclusivement intérieure.
La peinture de Clément Montolio offre une esthétique de l’apparition, une aura ; il ne s’agit pas d’interpréter mais de ressentir, par ces basculements, la tension vers l’infini.
Françoise Besson
Point de rencontre Christelle Cantereau
Christelle Cantereau, pour la première fois à l’étage de la galerie Françoise Besson du 15 décembre au 24 février est invitée à présenter deux facettes de son travail :
Les deux premières séries présentées, s’intitulant « J’étais une princesse », abordent des thèmes récurrents dans mon travail : il y est question d’identité, de mémoire, du souvenir et de la réminiscence, mais également de l’image mentale et de son double imprimé : l’image « spéculaire » telle que définie par Lacan. Mais, au-delà de ces questionnements, la motivation de ce travail est la mise en jeu de l’intime et son basculement dans l’universalité. La recomposition du souvenir, par touches successives, renverse ce qui ressemble à un autoportrait pour finalement lui donner une valeur universelle.
Lorsque j’ai commencé à trier et scanner les images de l’album de famille emprunté à ma mère, j’ai été frappée par l’image de cette petite fille censée me représenter, mais dans laquelle je ne me reconnaissais pas. Je ne me reconnaissais ni dans son attitude, ni dans son sourire. Je sais qu’elle me représente car elle est entourée de mes proches que j’identifie mais il existe une forme de travestissement, de mensonge, une profonde dichotomie entre cette image spéculaire et moi-même.
Alors, tel un détective, je suis partie à ma recherche. La famille de mon père est si nombreuse, qu’enfant je ne parvenais pas à les identifier. A contrario, celle de ma mère se limite à ma grand-mère, fille-mère et émigrée polonaise qui ne parlait ni de son pays d’origine, ni de son passé. Ma mère n’a jamais cherché à connaître l’identité de son père. Elle l’a fantasmé sans le chercher, sans doute pour éviter tout désenchantement. C’est son droit, c’est son histoire, mais elle a entachée la mienne.
Les couches successives : le choix des images, la broderie puis les textes constituent un processus lent et délicat qui permet de rendre visible un souvenir indéfini, de l’ordre du ressenti. La broderie, souvent très longue à réaliser, d’une extrême fragilité, c’est dessiner l’émotion, l’instant, le point d’attache. Son exécution, lente et minutieuse permet la mise en place du souvenir par une abstraction de la réalité du moment, elle met en suspension l’espace-temps dans lequel je me trouve pour me projeter dans une émotion ancienne.
Percer le papier ou la toile revient à percer le mystère. Former des boucles permet de relier un à un le fil du souvenir. La broderie, tout comme le texte, ne sont pas des rajouts, elles sont autant de couches nécessaires à la restitution de la mémoire.
Cette remémoration par le texte qui accompagne l’image est factuelle, il mélange fabulations et affabulations, anecdotique parfois mais toujours ressenti, je pourrais sans doute y ajouter une odeur si j’avais accès à cette dimension de représentation.
Cette histoire est la mienne mais sa résonance prime sur l’autoportrait. Nous sommes tous cet enfant posée sur une balançoire. Lors de mon voyage à Varsovie, j’ai offert à l’amie qui me recevait une photographie brodée représentant ma grand-mère et ma mère enfant. C’était pour moi un geste fort : celui de rétablir le lien avec leur terre ancestrale.
Dans les grands formats, imprimés sur tissu, la focalisation prend la forme d’un disque. A l’image d’une longue vue, j’isole un ou plusieurs éléments. Les parties brodées fonctionnent également comme lorsque le soleil se reflète sur l’objectif d’un appareil photo, il forme des zones arrondies et floues que je m’efforce de rendre visibles avec du fil et des perles.
Dans les boites lumineuses, tirées de la série Convergence : La croix possède une forte valeur symbolique. La plupart des Occidentaux vont voir dans la croix le symbole de la religion chrétienne: elle symbolise Dieu et la mort – puisqu’on la pose sur notre dernière demeure. C’est aussi, sans paradoxe pour les croyants, le signe de la vie éternelle : Jésus est mort crucifié puis ressuscité, c’est la preuve que nous donne Dieu de son existence et donc qu’il n’existe ni commencement ni fin.
Dans son dessin la croix chrétienne est constituée de deux rectangles croisés perpendiculairement. La partie verticale, où jambe, est plus longue. La raison de cette représentation est sans doute liée à la morphologie du corps humain pour la crucifixion. C’est un objet de propagande : elle a besoin de stabilité dans la terre afin qu’elle se dresse bien droite sur la colline où étaient exposés les crucifiés. Elle est au départ un symbole de propagande antichrétienne pour devenir un dogme, le symbole absolu et récupéré. Les chrétiens font le signe de croix sur leur front. Les témoins de Jéhovah quant à eux refusent cette symbolique, pour eux Jésus a été cloué sur un gibet (poteau) les mains au-dessus de la tête.
N’étant pas théologienne, je ne donnerais raison à personne mais il faut admettre que cela eut été dommage pour la symbolique. La symbolique est liée à la forme employée, celle que j’utilise est la croix dite « grecque », mais si cette même forme est placée en diagonale, elle devient la croix de « St André » en forme de X, si elle est habillée d’ornement au bout de ses 4 extrémités, elle devient suivant le dessin fourchée, fleurdelisée ou recroisée.
Tout dépend également de la couleur employée: si elle est verte elle sera celle de la pharmacie, si elle est rouge elle représentera la croix rouge, si elle est bleue elle peut être le symbole d’une association de lutte contre l’alcoolisme, la représentation d’une organisation ou d’une institution liée à la santé.
C’est le symbole de l’institutionnel, qu’il soit religieux ou non. « Bien avant le christianisme, le signe de la croix était utilisé pour désigner symboliquement la création. La volonté de créer (ligne verticale descendante) pénètre l’incréé (ligne horizontale) et le résultat (la croix) est la création. Ou bien, si nous restreignons l’étendue de la signification du symbole : l’esprit (verticale) descend dans la matière (horizontale) et le résultat (la croix) est la vie. » René Barjavel « La faim du tigre »
Il est difficile lorsque l’on est comme moi de culture française et de berceau catholique de se détacher des a priori contextuels de notre société liés à la symbolique mais c’est une forme que je trouve pour ma part d’une grande beauté. Se pose la question de son autonomie, de faire en sorte que cette image vive de manière autonome, une croix qui se promènerait d’œuvre en œuvre et qui serait prétexte à une réflexion.
Les croix présentées dans cette exposition sont inscrites dans un carré (à l’exception d’une seule). Elles suivent les règles que je me suis imposée dès le départ, à savoir une croix inscrite dans un carré à l’aide du Nombre d’Or. Elles illustrent le thème de la mémoire, de la trace. Ici le corps ou plutôt son ossature, son squelette porte les stigmates d’un accident, d’une maladie.
Métro C Croix -Rousse
(À 1 min, bd de la Croix-Rousse)
Bus Ligne C3 ou C13 hôtel de Ville
Du mercredi au samedi
De 14h30 à 19h et tous les jours sur RDV.
Exposition du 15 décembre 2016 au 24 février 2018