Au-delà de la peinture — 29 juin – 17 novembre 2019
Du 29 juin au 17 novembre 2019, dans la lignée de l’héritage de Marguerite et Aimé Maeght et de leur fils Adrien, éditeurs d’artet imprimeurs, la Fondation Maeght propose, pour sa grande exposition estivale, un hommage au génie créateur de Joan Miró.L’exposition Joan Miró. Au-delà de la peinture, dont le commissariat estassuré par Rosa Maria Malet, directrice historique de la Fundació Joan Miró, à Barcelone, offre au public de découvrir une partie essentielle de l’œuvre de l’artiste: son exceptionnel œuvre graphique. Cette exposition fait également écho à la rétrospective présentée cet hiver au Grand Palais, à Paris.
Le 12 juin 1925, le Tout-Paris assiste au vernissage de la première exposition personnelle de Joan Miró à la Galerie Pierre, récemment ouverte par le marchand d’art Pierre Loeb. Le lendemain, alors que la galerie est vide, Raymond Roussel va voir l’exposition avec Michel Leiris. Sachant combien Roussel était soucieux de préserver son intimité, Miró s’abstint de les accompagner, mais il fut extrêmement flatté lorsque son ami Leiris lui rapporta la réaction de l’auteur d’Impressions d’Afriquedevant ses tableaux. « Ça va au-delà de la peinture », s’était exclamé le grand écrivain devant l’œuvre difficilement classable de Miró.
Mais Miró ne bouscule pas les conventions qu’en peinture. Il passe outre quel que soit le champ dans lequel il intervient, qu’il s’agissede la céramique, de la tapisserie, du théâtre ou, bien entendu, de lagravure : « Penser que le champ de possibilités qu’offre la gravureest aussi large que celui de la peinture – une erreur technique peut, par hasard, conduire à une découverte précieuse. Penser au choc magique qui s’établit lors du contact de l’outil avec le métal et toujours partir de cette étincelle divine », écrit Miró.
Miró a laissé une empreinte indélébile dans le domaine de l’œuvre graphique. Il l’a révolutionné à tel point que l’on pourrait paraphraser Raymond Roussel en disant que son œuvre graphique va au-delà des limites propres aux techniques de reproduction, allant jusqu’à les porter à de nouveaux sommets. Ni abstrait ni figuratif, Miró n’a eu de cesse de développer un langage résolument neuf et poétique, autant dans sa peinture que dans tous ses modes d’expression artistique, dont l’œuvre graphique reste un domaine très important. Miró écrit dans son cahier : « Baudelaire disait que la gravure était l’écriture pure de l’esprit2. »
Joan Miró. Au-delà de la peinture présente plus de deux cents œuvres, dont un ensemble de gouaches inédites. Maquettes, affiches, gravures, lithographies originales, planches de tirage, bons à tirer et ouvrages de bibliophilie complètent l’exposition pour mettre en lumière cette prodigieuse création. Un grand nombre de ces pièces a été généreusement donné par Adrien Maeght à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght. C’est, en effet, à l’imprimerie ARTE, fondée par Adrien Maeght en 1964, que Joan Miró réalisa la plupart de son abondant œuvre graphique. L’étroite complicité qui l’unissait à son imprimeur lui a permis de se lancer dans des expériences, de tâtonner, d’être perpétuellement en quête de ce qui pourrait stimuler sa créativité et son imagination. Cet enthousiasme sans bornes donna lieu à une quantité impressionnante de matériel préparatoire – plaques de cuivre, maquettes, épreuves de tirage, etc. Tout ce matériel a été rarement montré, mais c’est pourtant lui qui nous permet le mieuxde comprendre la procédure suivie par Miró pour chaque gravure, de voir les différents états de chacune et, aussi, d’appréhender les innovations qu’il a introduites dans les nombreuses techniques de reproduction qu’il maîtrisait.
L’exposition permet de découvrir l’évolution, l’importance et la richesse de l’œuvre graphique de Joan Miró dans un accrochageautour de quatre concepts principaux: le rapport de Joan Miró avec les poètes, le concept « collage », les possibilités combinatoires et ladécouverte des techniques.
La gravure, ou, tout au moins, l’incision, est attestée depuis la Préhistoire. Elle atteindra à la Renaissance un niveau conceptuel et technique remarquable, notamment avec Dürer, puis, plus tard, Rembrandt. Elle permet d’obtenir une reproduction fidèle d’une image et de la diffuser. Grâce à elle, des artistes comme Goya ou Gustave Doré ont pu traiter des sujets que la peinture traditionnelle leur aurait difficilement permis d’aborder. Puis, avec l’apparition de la lithographie à la fin du XIXe siècle, surgit un nouveau mode de vulgarisation de l’art, notamment de la main de Toulouse-Lautrec avec des affiches où, à la valeur informative, vient s’ajouter une indéniable valeur plastique.
C’est à son amitié avec des poètes que Miró doit de s’être lancé dans l’aventure de l’œuvre graphique, une aventure qui commence en 1927, lorsqu’il fait huit pochoirs pour illustrer lerecueil Il était une petite pie, de Lise Hirtz, qui paraîtra l’année suivante. Dans les années 1930, Miró apprend à maîtriser les outils et les techniques de la gravure à l’eau-forte et à la pointe sèche. Après quelques autres « expériences » dans le monde de l’édition, ce sont à nouveau les poètes qui conduisent Miró à la gravure et à la lithographie pour illustrer leurs écrits. Puis, à partir de 1932, Miró crée de nombreuses éditions, dont Portrait de Miró(avec Marcoussis, en 1938) et la Série Noire et rouge (1932-1939) ou la Série Barcelone (1939- 1944), constituée de cinquante lithographies. Sa soif d’expériences et d’apprentissage de nouvelles techniques est insatiable : « Goya utilise l’aquatinte dans toutes ses eaux-fortes – il est indispensable que je connaisse ce procédé et que je l’applique à mes gravures, ce qui donnera infiniment plus de possibilités. »
C’est en 1947 que Miró réalise une première lithographie originale en couleurs pour Maeght Éditeur pour le frontispice du catalogue de l’Exposition internationale du surréalisme, dont il fait également l’affiche. La grande période de la production de l’œuvre graphique de Miró commence en 1948 lorsqu’Aimé Maeght devient son marchand en Europe et lui consacre sa première exposition à la Galerie Maeght. Aimé Maeght ne conçoit pas sa galerie sans une politique novatrice d’édition, de lithographies et d’affiches. Miró répond avec délectation à ce vœu : désormais, chacune de ses expositions se verra accompagnée d’une affiche réalisée en lithographie originale. Passionné par l’imprimerie,Miró dessine par la suite de nombreuses lithographies, en noir, surpierre, notamment pour des livres de ses amis poètes (André Breton, René Char, Tristan Tzara, Paul Éluard…). Aux affiches en lithographie originale s’ajoutent les collaborations à la revue Derrière le miroir,créée en 1946 par Aimé Maeght.
Les années 1950 voient se développer le goût de l’estampe, l’édition de lithographies et de gravures originales devient l’une des principales activités de Maeght: en 1959 les ateliers d’Aimé Maeght ouvrent à Levallois. « Avec tout ce que j’ai en projet, nous pourrons bâtir un monument à l’œuvre graphique du XXe siècle4 », écrit Miró à AiméMaeght en 1962.
En 1964, Adrien Maeght crée l’imprimerie ARTE rue Daguerre, dans le XIVe arrondissement de Paris. Joan Miró n’imagine plus l’édition sans ARTE, à tel point que même ses catalogues et affiches pour les musées du monde entier y sont réalisés. Lithographie, eaux-fortes et livres de bibliophilie offrent les possibilités les plus variées et les plus grands défis à Joan Miró: il utilise des plaques perforées par l’acide (Les Géants, 1960), imprimées sur des papiers préalablement préparés à d’autres fonctions (Défilé de mannequins, 1969), il incorpore des images photographiques (La Demoiselle du téléphone, 1971) ou l’empreinte d’objets (Le Bijou, 1969). Parallèlement, les éditions de bibliophilie,auxquelles Miró a toujours voulu accorder une place privilégiée,deviennent dans les années 1940 des projets très puissants: Parler seul avec Tristan Tzara (Maeght Éditeur, 1948-1950), À toute épreuveavec Paul Éluard (Cramer, 1958), Album 19 (Maeght Éditeur, 1961) ouFissures avec Michel Leiris (Maeght Éditeur, 1969) en sont quelquesexemples.
À la fin des années 1960, Miró découvre, grâce à Adrien Maeght, les possibilités que lui offre la technique du carborundum, utilisée par Henri Goetz. « L’artiste peut s’exprimer avec davantage de richesse et de liberté, […] je me rends de plus en plus compte de la richesse et des nouveaux horizons que votre procédé apporte à la gravure. Jamais on n’avait obtenu des matières avec une puissance pareille. Pour ce qui me concerne directement, je peux m’exprimer sans aucune entrave, d’un seul élan de l’esprit, sans être paralysé ni ralenti par une technique dépassée qui risquerait de déformer la libre expression et la pureté et la fraîcheur du résultat final. Une gravure pareille peut avoir la beauté et la dignité d’un beau tableau5 », écrit Miró dans une lettre à Henri Goetz en 1968. À partir de ce moment, le noir joueun rôle essentiel dans les gravures de Miró. Cependant, loin de nousapprocher des ténèbres, le noir vibrant de Miró rapproche ses gravures de l’œuvre unique plutôt que du multiple.
L’importance de la relation entre l’artiste et l’imprimeur est primordiale. Elle permet d’apporter à Joan Miró des solutions techniques à ses demandes et ainsi atteindre les résultats voulus. Ces aspects techniques dans son œuvre graphique (relief, matière, intégration d’objets, réutilisation de motifs, etc.) prennent toute leur ampleur et se traduisent par la cohérence de l’œuvre de Miró dans des correspondances entre œuvre graphique et sculptures ou céramiques. La complicité sans faille entre Joan Miró et Adrien Maeght leur a permis de se lancer dans des projets très risqués, voire révolutionnaires. Le « projet pour une lithographie de 50 mètres » qui sera montré dans l’exposition illustre à merveille cette parfaite entente.
L’exposition Joan Miró. Au-delà de la peinture sera égalementl’occasion de voir, pour la première fois en Europe, le film deThomas Bouchard Miró Makes a Color Print (1947-1948), dans lequel on voit l’artiste catalan travaillant dans l’Atelier 17, à New York, une plaque de cuivre qu’il utilisera quelques années plus tard pour la Série II, éditée par Maeght.
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Entre deux expositions temporaires, certaines salles peuvent être fermées au public. Le tarif est réduit en conséquence.
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Emballage, 1975. Gravure originale en eau-forte et aquatinte sur fond de lithographie sur vélin d’Arches.Photo Claude Germain/Archives Fondation Maeght.
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