« Bien sûr, nous ne parviendrons jamais à nous envoler, mais il en va de notre survie d’en nourrir le rêve, incessamment. Car il arrive parfois que miracle se passe… à moins que La maison rouge n’ait été qu’un mirage.» , « L’Envol, oule rêve de voler » – la dernière exposition de La maison rouge – est une ode ouverte aux anges qui n’ont pas lâché le rêve de s’arracher.
Vous êtes assis, tentez d’étendre vos jambes. Vous disputez l’accoudoir à votre voisin. Vous n’avez même pas le hublot pour voir se rapetisser les lotissements, les champs, la mer.Vous sentez que l’on quitte doucement le parking. Les amortisseurs chahutent un peu votre équilibre.
Mais bien vite, plus vite, les roues glissent sur la piste, le moteur vrombit et vous sentez un poids s’affaisser sur vous. C’est lourd, l’envol !Du hublot de loin, vous voyez un bout d’aile de l’avion dans un petit ovale de ciel. Au moins, vous quittez le sol. L’envol, « c’est quitter la colle du sol, la glu du quotidien. La poix du moi.
Se démazouter, comme une mouette : la couche de pétrole ne s’étend pas, elle reflue. » Parfois, des êtres comme Jonathan Livingston cherchent pour se dépoisser à maîtriser le looping, le piqué et le vol plané. Parfois, ce ne sont pas des goélands.
Plutôt que de se contenter d’avions quelques humains comme Gino de Dominicis battent des bras face à l’horizon pour tenter, sans armure, d’atteindre l’inaccessible étoile. Cette dernière n’est pas un objet, elle est un rêve que La maison rouge célèbre en déclinant son lexique.
La fondation présente les œuvres de ces « ingénieurs de l’impossible [qui] fabriquent des machines aussi belles qu’inutiles ». Comme la carlingue d’un avion, elle accueille des œuvres d’art moderne, contemporain, d’art brut et d’art populaire qui se lèvent par les transports de l’esprit.
Dans un coin de la maison, du haut d’un cockpit, sous la lumière bleue et sans science-fiction, on écoute Envol – Pulsations de Pierre Henry. Voilà, pris dans l’apesanteur électroacoustique, on peut s’arracher. Se laisser happer au gré d’une errance grisante dans cet espace décloisonné.
Rêver miracle
Mais il y a un mur. Épais de bois, d’osier, de pigments, de métal et de plumes de tous les continents, de palmier et de coton, de résine… il est fait d’un masque, d’une coiffe, d’un éventail… il contient des oiseaux, un paon, une antilope, il raconte les cultes et les cosmologies du Brésil, du Nigeria, de Birmanie, du Burkina Faso.
Il est comme une assemblée acoustique qui accueille, regarde et réverbère les bruits modernes de mécaniques. Voler, un rêve inaccessible ? Gilbert K. Chesterton dit que « c’est parce qu’ils savent se prendre à la légère que les anges peuvent voler ». Ces derniers n’ont pas peur de construire des engins qui nous font sourire.
Ils se lancent d’abord délicatement sur le fil, comme ce funambule traversant le Rhône photographié par Lucien Clergue. Ils croient qu’à force de danser, on peut léviter. Par hasard, un photographe saisit « ce moment miracle » quand Nijinski s’élève dans l’espace. Par modelage, Rodin saisit sa grâce.
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