Histoire, nature et art contemporain :
escapade poétique au château de Chaumont-sur-Loire
Depuis 2008, le domaine de Chaumont-sur-Loire accueille dans son écrin un parcours d’art contemporain, au cœur de son château et de ses incroyables jardins.
Cette année, en plus de certaines œuvres pérennes, présentes sur le domaine pour plusieurs années, un quinzaine d’artistes a rejoint le parcours avec des œuvres incrustées au décor et inspirées par l’esprit du château.
Une escapade onirique et poétique, un nuage déconnecté et coupé du monde : visite au cœur d’un charmant « centre d’art et de nature », à la fois château, jardins et exposition.
“Ailleurs, ici”, installation de Sarkis à Chaumont-sur-Loire, 2011 – © Eric Sander
C’est une bulle paradisiaque et artistique, à moins de deux heures de Paris.
A l’heure où les monuments historiques rivalisent d’innovations en tous genres pour attirer un public nouveau et plus nombreux, le château de Chaumont-sur-Loire a opté, depuis maintenant huit ans, pour une solution multiple.
En plus du charme absolu du château, qui a connu son apogée à la fin du XIXème siècle, le domaine accueille le Festival International des Jardins et, surtout (en ce qui nous concerne), un parcours d’art contemporain généreux et exigeant.
Dans les jardins, les écuries, la chapelle ou encore les anciens appartements de la Princesse de Boglie, les œuvres, les artistes et les styles s’enchaînent pour une visite à la fois riche et rafraîchissante, le tout avec une vue imprenable sur la Loire.
Aux œuvres des éditions précédentes (certaines restent plusieurs années) s’ajoutent, entre autres, Wang Keping, Andy Goldsworthy, El Anatsui (Lion d’or à Venise en 2015) et Lee Bae, car même à Chaumont, la Corée est à l’honneur cette année.
Passage, installation de Cornelia Konrads à Chaumont-sur-Loire, 2015 – © Eric Sander
Harmonie
Le pari était osé mais le succès est présent : alors qu’à Versailles les œuvres d’art contemporain installées provoquent toujours un débat houleux, la générosité et la finesse du parcours de Chaumont ont fait de l’événement une réussite immédiate.
Et pour cause, tout a été pensé pour utiliser et bénéficier à l’esprit du domaine : les artistes viennent plusieurs semaines en résidence et s’inspirent du lieux pour penser leur travail, l’art contemporain se met au service de la nature et du patrimoine et inversement.
Les pratiques fusionnent, les époques se confondent et, à terme, les publics (amateurs de l’une ou l’autre des particularités du programme de Chaumont) seront agréablement surpris.
“Les pierres et le printemps”, installation de Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger à Chaumont-sur-Loire, 2015 – © Eric Sander
Car si elle est exigeante (les artistes sont internationalement reconnus), la programmation du parcours d’art contemporain rencontre le public à travers des œuvres fortes et une succession d’atmosphères subtiles et poétiques.
On pense aux installations d’El Anatsui, à son paysage composé de millions de morceaux de plastiques (ceux du goulot des bouteilles), à Kawamata, au travail incroyable de Gerda Steiner & Jorg Lenzlinger à l’intérieur de la chapelle ou encore à l’océan de sable blanc de Lee Bae à l’intérieur du manège des écuries sur lequel trônent des sculptures d’un noir profond.
Au cœur du château, en se réappropriant l’Histoire, Gabriel Orozco s’est, lui aussi, laissé porter par le lieu pour produire des toiles inspirées des morceaux de tapisseries retrouvés sur les murs.
Différents motifs, différentes époques, le contemporain sublime l’ancien, le ravissement est total.
Installation de Marc Couturier © Eric Sander
Mais celui qui, sans doute, à joué le jeu avec le plus d’intensité, de poésie et de sincérité, c’est Marc Couturier.
A partir d’une plante somme toute assez commune, l’okuba (des feuilles vertes constellées de taches jaunes), l’artiste à imaginé plusieurs œuvres réparties sur l’ensemble du parcours.
Couturier aime penser qu’il y a plus d’étoiles sur les feuilles d’Okuba qu’il y en a dans l’univers (certains voudront en débattre) et cette constellation, devenue matière, nous revient constamment.
Dans une pièce calme, Couturier a fait de l’Okuba des vitraux, sur des meubles d’époque, la feuille se décline en différentes couleurs, au sol, au détour d’un reflet, une feuille apparaît comme irréelle, onirique : l’Okuba se développe partout, sa délicatesse se font avec celle du domaine, le mariage est parfait.
Installation de Marc Couturier © Eric Sander
Poésie
Le cairn d’Andy Goldsworthy © Eric Sander
Autre nouveauté du parcours 2016, l’oeuvre d’Andy Goldsworthy symbolise à elle seule l’association de l’Histoire, de l’art et de la nature.
Cette oeuvre est un oeuf, massif. Derrière lui, ‘horizon a perte de vue.
Cet oeuf, c’est un Cairn : un amas de pierres (d’ardoise ici) qui, à Chaumont, est installé sur une souche de platane.
Au fil du temps, la nature reprendra ses droits, les branches se développeront et finiront par embrasser le cairn, par former un cocon de bois autour d’un cœur si dur.
Voilà un joli symbole de ce que provoque l’ensemble au sein la bulle d’art de Chaumont-sur-Loire : un parcours extrêmement riche, généreux même, et subtil qui, considéré dans son intégralité provoque un sentiment profond et intense.
La poésie, tout simplement.