Robert Cottingham : FICTIONS IN THE SPACE BETWEEN, Exposition à la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois du 8 novembre au 21 décembre
Du 8 novembre au 21 décembre, la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois présente pour la première fois le travail de l’artiste américain hyperréaliste Robert Cottingham, poursuivant, après l’exposition en juin 2018 de John DeAndrea, son exploration de ce mouvement né aux USA au début des années 1970.
L’exposition « Fictions in the Space Between » parcourt l’ensemble de la carrière de l’artiste.
Alors qu’au 36 rue de Seine est présenté un ensemble d’huiles sur toile, datées entre 1991 et 2019 et accompagnées de leurs études préparatoires, le second espace du 33 prend la forme d’une rétrospective de ses œuvres sur papier.
Depuis les Villas Hollywoodiennes de 1969 aux tous récents Flacons de parfum, l’exposition témoigne de la richesse de cette œuvre hyperréaliste, où l’on retrouve également les enseignes lumineuses qui l’ont rendu célèbre, les trains, les machines à écrire, les appareils photos ou encore les pièces mécaniques.
La pollution visuelle qui nous suffoque au quotidien, où les images véhiculées par le Web et les réseaux sociaux dirigent désormais notre manière de voir et d’être vus, n’est pas sans lien avec le fait que l’hyperréalisme intéresse de nouveau une jeune génération d’artistes.
Apparus à peu d’années d’intervalle, le Pop Art puis le photoréalisme reçurent d’abord le même accueil glacial : était-ce la critique ou la célébration d’un royaume de la consommation, de la généralisation de la laideur, et d’un urbanisme sans urbaniste ?
Les deux furent discrédités pour le manque de professionnalisme des artistes : après tout, ces peintres ne se limitaient-ils pas à « copier » des objets et/ou des photographies, qu’ils se contentaient les uns et les autres d’agrandir ?
Ce qui ressemblait à du cynisme nous semble aujourd’hui d’une incroyable fraicheur ; ce qui se faisait passer pour des copies a été depuis célébré comme de la peinture, dont nous redécouvrons, aujourd’hui, autant la complexité que la virtuosité formelle.
Aussi faut-il se pencher de plus près sur ces toiles qui ressemblent à des images mais qui sont bien, de près, des tableaux.
Loin d’être simplement contemporains, les motifs (de Robert Cottingham) évoquent un monde d’avant-guerre, le monde de son enfance ainsi que de nombreux clins d’œil à l’art moderne et ses poncifs.
Le rapport entre l’image et la photographie, entre le mot et la peinture, étant un des grands sujets de la modernité.
Aller au-delà du motif, retrouver la peinture y compris abstraite, par le biais de la photographie, est une démarche complexe qu’il assume plus clairement que d’autres peintres du « mouvement ».
Sa démarche autant conceptuelle que photographique, laisse place à un contenu, bien plus littéraire et humain qu’il n’y paraît.
Si bien que dans sa peinture, on peut voir autant d’abstraction que de représentation.
ENTRE PEINTURE ET POÉSIE URBAINE
Des vieilles enseignes qui le fascinent, Robert Cottingham gomme les signes du temps : éclats de peinture, usure, rouille, défauts.
Il répare, repeint, masque, remet droit ce qui avait été cabossé.
Ces enseignes ainsi figées dans leur modernité d’avant-guerre deviennent alors les « signes » de leur temps : le monde moderne, mais aussi l’art moderne.
Cottingham joue avec les mélanges de graphisme ancien et moderne, le chaos visuel provoqué par les répétitions et juxtapositions de marques et de slogans ou encre la réunion naïve du mot et de l’image (Diner et sa tasse, Loans et ses pièces).
Avec son téléobjectif, il zoome puis découpe afin de souligner les « objets trouvés » que sont ces poèmes visuels urbains ou haïkus publicitaires involontaires, autre clin d’œil à la modernité.
Ses jeux de mots sont aussi des jeux de formes.
On y trouve souvent des répétitions réelles par souci d’efficacité, sinon virtuelles par reflet ou par ombre portées.
Il s’amuse par exemple à souligner la forme d’une enseigne qui figure son contenu : Catwalk, dans un long ovale qui figure la forme d’un podium.
AU-DELÀ DU MOTIF, LA TRAVERSÉE DU MIROIR
L’œuvre de Robert Cottingham n’est pas sans rappeler celle de l’artiste Pop Lichtenstein.
Tous deux partent d’une image photographique vers une peinture où le motif n’a plus d’importance et où seule compte la surface du tableau.
Tous deux recadrent, recolorisent, transforment les mots et les formes presque systématiquement, puis agrandissent le résultat et le retravaillent de manière « picturale » comme un motif en soi.
Une fois le motif oublié, Robert Cottingham s’intéresse aux « bords » que l’on retrouve partout dans ses toiles, entre l’enseigne et l’architecture, la plaque et son support, les lettres lumineuses et/ou découpées et leur fond, la lumière et l’ombre.
Dans Loans (2014), par exemple, Robert Cottingham joue avec le mot et son double (reproduit en grand sur le mur) comme avec l’objet (trois boules jaunes) et un réseau complexe de grilles géométriques : les briques au niveau supérieur, la passerelle au niveau intermédiaire, et le reflet ombré de celle-ci au niveau inférieur.
Entre le dessin, l’aquarelle d’étude et la peinture finale, le peintre invente une grille supplémentaire, le grillage de la passerelle, soulignant ici la planéité du tableau.
DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES SUR PAPIER AUX PEINTURES HYPERRÉALISTES
L’exposition mettra en valeur l’œuvre dessiné de Robert Cottingham, jusqu’ici méconnu et rarement exposé, et véritable trait d’union entre ses clichés et ses parfaites reproductions de la jungle urbaine.
Fruits de l’introspection de l’artiste lorsqu’il explore la ville, ses dessins s’apparentent à des rêveries urbaines.
Ses aquarelles, en revanche, aux couleurs translucides d’une grande délicatesse, nous ramènent dans une réalité technicolor au spectre généreux et étendu.
Résolument physiques, elles constituent un support idéal pour un artiste déterminé à exprimer le caractère immatériel de la lumière.
Dessins, aquarelles et peintures suggèrent une matérialisation progressive du sujet.
À l’issue de ce processus créatif, les traits sont marqués, les couleurs intenses et l’image obtenue tangible, son existence revendiquée avec confiance.
UN REGARD MÉLANCOLIQUE SUR LA VILLE
Dégageant une profonde humanité, les dessins de Robert Cottingham au crayon et à la mine de plomb révèlent les subtils artifices mis en œuvre pour donner naissance à un langage pictural transparent, fruit de l’observation et du remaniement des bâtiments et des panneaux croisés dans la rue.
Du chaos urbain qu’il capture et découpe émerge, contre toute attente, une certaine harmonie.
Avec leur palette quasi infinie de nuances, de techniques et d’atmosphères, ses compositions révèlent davantage sur leur auteur que sur leur sujet et sa découverte fortuite.
Elles cristallisent l’intensité du regard posé par Cottingham sur la ville et ses méandres.
Elles témoignent du temps qui passe, du déclin qui s’ensuit, de la vie qui suit son cours.
Certains dessins représentent de gigantesques panneaux, vestiges d’une civilisation aujourd’hui disparue dans lesquels le sujet semble flotter mystérieusement dans les airs, loin au-dessus de nous.
L’exposition est accompagnée d’un catalogue richement illustré d’œuvres et d’images d’archives avec des textes du critique d’art Marco Livingstone, de la commissaire et historienne d’art Camille Morineau et de l’historienne d’art Pauline Créteur.