ART-Z & Olivier SULTAN présentent
Soly Cissé
Spirits in the wind
Peintures, collages, vidéo, installations
1 > 12juin 2016
9 rue Christine, 75006 Paris
+33 (0)1 44 07 10 60
http://www.ellia-artgallery.com
14 > 30 juin 2016
24, rue des Archives
75004 Paris
Soly CISSÉ
Artiste majeur né en 1969, Soly Cissé est diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Dakar.
Présent dans toutes les grandes Foires et expositions d’art contemporain depuis 15 ans, dont « Africa Remix» à Beaubourg et Londres, il est un acteur incontournable de l’art actuel issu d’Afrique.
Le Continent africain, après avoir influencé l’art moderne, vit depuis un siècle dans un aller-retour constant, fertile et dynamique, entre ses cultures, ses racines et les créations contemporaines occidentales.
Soly Cissé est un artiste complet, qui, dans ses collages et les tableaux présentés dans ces deux expositions, met en scène des personnages torturés par le doute.
Reflet des réflexions et accidents personnels récents de l’artiste.
C’est ici une étape importante de son travail, entre bilan et renouveau.
Collages, peintures , installations, vidéo, sculptures, Soly Cissé est un artiste à l’oeuvre protéiforme…
On y retrouve, comme fil directeur, ces êtres hybrides, ces animaux, ces esprits, pictogrammes, graffitis, silhouettes sénoufos.
Des formes émergent, prises dans le mouvement de la couleur en fusion, au bord de la figuration.
Créatures inachevées, personnages appartenant à un stade non situé (antérieur, postérieur ?) de l’humanité.
Enfants, animaux, tous sont saisis frontalement, leurs visages à demi ébauchés.
Il peint, sculpte, façonne le kraft, l’argile, il travaille les toiles en série graphique, recycle le bois.
Soly Cissé explore des voies risquées, inédites.
Il est habité d’une colère saine, assez sûr de ses influences pour ne pas les citer.
A l’écoute du monde urbain, il est de ceux qui peuvent sereine- ment se départir de l’adjectif « africain », sans regret ni repentir, puisque l’Afrique aujourd’hui est en lui, comme facteur de modernité.
Le trait, décidé de Cissé, nerveux, agile, reprend le fusain là où l’avaient laissé ses lointains ancêtres.
Rapide, il capte l’être par défaut, les figures naissent ainsi de l’informe sans le brusquer. Juste un clin d’oeil au destin.
L’oeuvre de Soly Cissé est remarquable par sa graphie singulière, spontanée.
Dans ses collages exposés à la galerie Ellia, les esprits et les figures inquiétantes ou protectrices ne révèlent pas les divinités d’une culture, mais une fantasmagorie.
Il y a chez lui une volonté affirmée de provoquer une tension fertile et dynamique.
Plus on pénètre dans son microcosme peuplé d’esprits et de monstres, plus s’affirment les grandes confrontations entre des bleus intenses et des jaunes stridents.
C’est dans la lente et patiente découverte de son langage plastique que l’harmonie se rétablit peu à peu, ajuste son équilibre.
Il y a quelques années, le critique Philippe Dagen écrivait (Le Monde) « Il y a là sans hésitation un artiste majeur, qui va droit au but ».
Olivier Sultan
LES COLLAGES
Comme nombre d’artistes contemporains, Soly Cissé connait parfaitement l’Histoire de l’Art.
Sa «spontanéité» est facilitée par un chemin déjà mentalement parcouru.
Son expérience récente des collages donne une nouvelle dimension à cette revisitation : contraint de séjourner plusieurs mois à l’hôpital, il découpe les magazines d’art, et utilise comme «couleurs» les reproductions de tableaux glanés au hasard, plus pour leurs textures et leurs couleurs que pour leurs formes, qu’il revisite, dessinant des visages africains, des masques, des esprits et autres créatures de sa mythologie personnelle.
La magie opère: un Dubuffet devient une stature Lobi, un Picasso (re) devient un masque Fang…
Soly Cissé a bouclé la boucle.
Le boomerang est revenu en Afrique, celui-là même qui avait été lancé à Picasso il y a plus d’un siècle…
LES PEINTURES
Soly CISSÉ
ENTRETIEN
avec Olivier Sultan Février 2016 (extraits)
photo Jean-Mchel Fickinger
LE COLLAGE
« J’ai commencé le collage très tôt . J’avais envie de m’approprier et de transformer les images. La texture, les motifs d’origine m’intéressent. C’est une envie de dialoguer avec l’Histoire de
l’art: je découpe des images dans les revues d’art, en préservant leur traçabilité. Je respecte les oeuvres d’origine, dont je garde les couleurs et certaines formes. Je veux qu’on puisse les recon- naître, et voir mon interprétation.
Une image de Warhol par exemple devient pour moi un simple matériau brut. C’est comme un jeu d’enfant. »
L’ANIMALITE, L’INCONSCIENT
« La bête, l’animal en nous, ce côté « dangereux » nous rappelle qu’on est imparfaits et incontrlables, capables parfois du pire.
Je le contôle, mais j’ai la même considération pour les personnages brutaux, rudes que pour
les personnages dits « normaux »: je n’ai pas de jugement de valeur. Il y a des personnes qui res- semblent à des animaux, je traque ces ressemblances dans leurs visages, leur caractère. Quand je représente des personnages qui ont des cornes, je mets alors en scène, en mouvement et en lumière un personnage, un type d’être, que je dévoile: il apparaît alors sous son vrai visage. Nous sommes tous multiples. On a plusieurs personnages en nous. Dieu a fait avec une « couverture », un masque, comme un livre qu’ il faut ensuite ouvrir.
J’aime les situations extrêmes. On flirte avec la vérité dans ces moments là. On va à la racine même des êtres, des actes, et on peut comprendre autrui et soi-même.
Je n’opère pas de distinction entre les pulsions animales, la religion, l’animisme: tout est mêlé. Le diable est en nous, on a tous un côté monstrueux. On a le choix de réveiller ou non ce côté sombre .
Dans mes dessins, j’étais un peu plus littéral, le crayon rend les choses plus directes. Parfois, je juxtaposais par exemple une prostituée et un religieux, ou des oppresseurs à côté des opprimés. J’ai toujours reflété la domination, les rapports de force dans notre société.
Ma peinture tend à dévoiler les choses, à révéler ce que les gens cachent, ce qui est là et pas toujours très beau à voir. L’animalité, la sexualité, etc. L’auto-censure nous en empêche souvent. La peinture permet de concilier toutes les pulsions.
Si on met bout à bout tous les titres de mes tableaux, on aura l’histoire globale, l’interprétation de mon oeuvre, comme un scénario, au terme d’une enquête «policière».
PEINTURE ET «ACCIDENTS»
«Je ne fais pas de plan de composition préalable. Ma peinture est spontanée. J’aime ce défi, la confrontation à un nouveau support à chaque oeuvre.
Les accidents en art font la différence entre une oeuvre «jolie» et un chef d’oeuvre. Un croyant pensera que c’est Dieu qui guide sa main, son trait. Je ne pense pas que ce sont les actes délibé- rés qui comptent le plus. C’est plutôt les accidents, les dérapages, qui marquent et signent notre liberté. Ensuite, il faut défendre les oeuvres qui en résultent. Comme des enfants, auxquels on doit protection et amour.
Le dessin est dans ma peinture elle-même. Il n’est pas préalable à la composition, tout est mêlé, associé dans mes tableaux.
Il s’agit avant tout de briser les règles, de s’ autoriser à briser les codes demande de l’intelligence. Dans l’art le vol est autorisé, pas l’imitation: un bon artiste peut voler.
Je suis heureux quand je vois des artistes qui volent des éléments de ma peinture.
A mes débuts, je dessinais sans jamais avoir vu une oeuvre de Basquiat, et, un jour, on m’en a montré une. J’ai eu alors un grand choc . J’aime sa spontanéité, son geste quasi-inconscient.
La formation académique et la «formation» de la vie sont complémentaires. La vie nous apprend beaucoup plus que l’académie. En un mois de vie, on peut apprendre plus qu’en dix ans aux Beaux-Arts.
Désapprendre plus qu’apprendre, voilà l’important.
L’art est la seule recherche qui n’ait pas de «résultat». Ce qui compte est de garder le cap, comme un pilote d’avion. Une fois que l’avion est dans l’air, on est en pilotage automatique. Il faut garder le cap. J’ai toujours eu ce cap en moi, dès le début.
L’ART AFRICAIN CONTEMPORAIN
«Je porte un regard critique sur la promotion des artistes africains dans l’histoire de l’Art.
Je trouve très injuste que certains talents soient bloqués en Afrique. Un bon artiste est par es-
sence international. Le talent n’a pas de frontières. Il est universel.
Mais il y a une déformation fréquente de l’image des artistes africains. On choisit de l’extérieur qui va représenter une communauté ou un pays, et c’est grave. Il y a là une très grande responsabi- lité. J’ai compris cela, très tôt dans ma carrière. La diffusion de l’art contemporain africain passe par le filtre de quelques personnes , quelques commissaires, qui font parfois en sorte que l’artiste africain reste «naïf» et réponde aux attentes du public occidental. C’est biaisé.
On demande souvent à certains de mes collègues de rester dans des thèmes «typiques», dans l’imagerie africaine traditionnelle et exotique.»
LES RACINES ET LES INFLUENCES
«Dans mes oeuvres, je fais souvent des clins d’oeil à l’Histoire africaine . Si je représente par exemple la tête de Ramsès II, je n’en prends qu’une partie, je m’en tiens à une allusion, car j’ai un très grand respect pour l’image d’origine. Il ne s’agit pas de copier, mais de bien digérer les in- fluences. Les artistes peuvent emprunter, mais intégrer ces emprunts intelligemment à leur travail. Plus on est influencé, mieux c’est. On peut même ajouter et améliorer, mettre en valeur les oeuvres d’origine. C’est la différence entre copier et réinterpréter. Je n’ai jamais eu de conflit, même avec mes propres imitateurs «.
Paris, février 2016.