Cette année, la Ville de Tours a confié le pavoisement du pont Wilson à l’artiste portugais Hugo de Almedia Pinho.
A la croisée du fleuve et du pont qui l’enjambe, ce plasticien a décidé de mettre en scène les codes routiers et maritimes ainsi que les lettres d’un alphabet incomplet.
Si les signaux internationaux « véhiculent » des messages univoques et compréhensibles par tous, les lettres composent des mots dont le sens peut même échapper à ceux qui parlent une même langue.
Le monde des mots, qui nomment, dénomment, chérissent ou invectivent, est subversif. Les messages d’une parole, d’un discours ou d’un livre s’inclinent ou se déploient au gré du vent bon ou mauvais qui souffle sur eux. Ce vent, c’est le contexte dans lequel la parole est prise.
Pour être compris, éviter tout malentendu et ne heurter personne, on pourrait s’en remettre à un seul code basique, sorte d’Esperanto, et ceci aux dépens des langues imprévisibles, semeuses de confusion et cause d’éloignement.
Mais notre humanité n’exige-t-elle pas que l’on tienne aussi à distance ces codes internationaux, prémices ou symboles d’une novlangue à venir, uniforme et totalitaire.
L’œuvre de l’artiste ne choisit pas entre ces deux extrêmes et elle ne peut elle seule influer sur le cours de l’Histoire.
En revanche, placée au-dessus du fleuve, elle donne au moins à espérer en notre humanité. Le déploiement du spectre chromatique, d’un bout à l’autre du pont Wilson, souligne cette espérance.
L’unité poétique est possible. Elle l’est à Tours, dans ce contexte précis, le long de cette promenade au-dessus de laquelle l’art voyage jusqu’aux rivages de notre propre imagination.
Pour Hugo de Almedia Pinho, cette unité, traduite par cette réunion bien ordonnée de drapeaux tous différents, passe par la couleur et donc « avant la lettre ».
L’artiste européen « écrit » ainsi dans le ciel la bannière de son utopie et propage un lumineux sentiment de paix d’une rive à l’autre du dernier fleuve sauvage d’Europe.